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Dix
contes illustrés par l'auteur |
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Dans une époque contestable où il est
plus aisé de faire pleurer que sourire, un vocable
tabou fut inventé : le plaisir, celui de
faire partager des rêves. Ce livre est une incursion
dans des souvenirs enracinés ; un voyage
entre le bruissement des mots et la fantaisie des couleurs ;
et, assurément, la satisfaction de faire un bout
de chemin ensemble. Si un jour en feuilletant ces pages,
un inconnu dit : « Je me souviens »,
c’est que nous nous sommes rencontrés en
d’autres temps, en d’autres lieux…
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L’IRIS
DES MARAIS |
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Un
soir, à table, elle déclara d’un
ton docte : « Si personne ne veut m’écouter,
j’irai mourir à la rivière aux renards.
» Excédée, Mme Balardeau rétorqua
: « C’est ça, et ils te mangeront
toute crue ! », ce qu'elle regretta immédiatement.
Il existe parfois un profond décalage entre la
pensée et les mots, et il faut faire avec, à
condition, bien sûr, qu’un drame imprévu
ne survienne…
Le 24 décembre, quand Greg appela sa fille pour
dîner : « Marisa, à table, ça
va refroidir ! Si tu ne viens pas tout de suite,
j’ai bien peur que le père Noël ne
passe pas par la cheminée cette année ! »,
il ne reçut que le silence en écho. On
la chercha partout, en vain. Une fouille en règle
de toutes les pièces permit de découvrir
sur son bureau la feuille où l’effrontée
avait griffonné : « J’avais
prévenu. Puisque personne ne m’aime, je
pars avec Nounours à la rivière aux renards. »
Malgré un rire nerveux, communicatif, immédiatement
réprimé, on s’affola car le thermomètre
indiquait –25° sur la terrasse. Greg rameuta
le voisinage. La neige tourbillonnait, redoublait et
s’épaississait ; après plusieurs
heures de battue, ils abandonnèrent, on ne la
retrouverait pas ce soir. L’angoisse se lisait
sur les visages.
Au lever du jour, les recherches reprirent, mais personne
ne prêta attention à l’iris des marais,
insolite par ce temps polaire, qui avait fleuri pendant
cette nuit interminable. Une journée déprimante
lui succéda et il fallut se rendre à l’évidence,
Marisa restait introuvable.
Drôle de Noël, cette année-là
! |
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LE
VILLAGE CHOCOLAT |
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Lorsque Corentin prit la petite sente, il était
si fatigué qu’il ne remarqua pas la pancarte
qui indiquait l’entrée du village Chocolat.
Il n’avait guère mangé depuis plusieurs
jours, et même s’il était fier d’être
un chat libre et sans collier, parfois il trouvait cela
pesant. L’année finissait plutôt
mal !
À peine avait-il parcouru quelques centaines
de mètres qu’il vit, de part et d’autre
du chemin, des animaux qui léchaient le sol.
Dans son village, on avait de bonnes manières,
cette idée n’aurait jamais effleuré
l’esprit d’un chat bien élevé.
Il leva la tête car un écureuil l’interpellait
du tronc creux d’un noisetier : « Eh,
toi le maigrichon, tu devrais goûter, c’est
délicieux, sucré à point ! On dirait
de la pâte à tartiner pour les humains. »
Corentin pensa qu’en cette période de Noël
la municipalité cajolait ses administrés,
tout en se demandant pourquoi elle n’offrait pas
de jolies boîtes avec des rubans, comme dans les
confiseries ; mais le temps n’était pas
aux grandes phrases, la faim le tenaillait et s’alimenter
restait sa priorité ; et sans faire son délicat !
Alors, il avança comme les autres, le museau
au ras du sol, tout le long du chemin. Une position
inconfortable, mais un repas savoureux. Gastronomique
même ! Plus loin, il buta contre un arbre
à réglisse et il s’endormit, repu.
Au milieu de la nuit, son ronflement intempestif déclencha
la colère de Véronique la chauve-souris,
mais il avait tant besoin de sommeil que ses protestations
ne le dérangèrent pas. Le lendemain, des
démangeaisons insupportables le réveillèrent.
Elles auraient rendu fous une armée de pierrots
en goguette ! Et rien à voir avec le picotement
des piqûres de puce. Probablement une bonne crise
de foie ; d’ailleurs, tout son poil était
imbibé de cacao. |
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LE
SPIRIT OF ST. LOUIS EN MIE DE PAIN |
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La
bise soufflait sur le camp militaire. Gianni avait un
rendez-vous, le père Noël l’attendait
pour un travail, quelque part au-dessus de l’Adriatique.
Il devait rejoindre son rêve, mais il ne le savait
pas encore. Il était confiant. Le moteur de son
avion de chasse s’embrasa comme un gros cigare
cubain et, après une fraction de seconde, l'appareil
creva le soleil levant, disparaissant à tout
jamais dans les brumes maritimes.
Les jours suivants plongèrent Maria Maddalena
dans l’incertitude. Pas le moindre signe laissant
poindre une lueur d'espoir. D’ailleurs, au matin
de sa mission, l’adieu de son fils ne l’avait
pas rassurée. Digne, sur le pas de la porte,
elle l’avait regardé s’éloigner,
mais il avait fait demi-tour, courant sur les galets
ronds de la ruelle pour revenir la serrer dans ses bras,
comme une dernière étreinte muette. Alors
elle ne fut pas surprise quand le journal local titra
que plusieurs chasseurs de l'escadrille s'étaient
abîmés en mer et qu’aucun des pilotes
n’avait été retrouvé.
Une pensée qu’elle trouva idiote lui traversa
l’esprit : elle aurait dû être
plus indulgente avec cet enfant astucieux qui mettait
des miettes partout en fabriquant le Spirit of St.
Louis ou le Fokker du Diable rouge avec la mie
bise des lourdes miches de pain doré. Ensuite,
elle se laissa submerger par les souvenirs : Gianni
reprenant la boulangerie familiale, tout comme son voisin
vigneron, la vigne, c’était la tradition…
Gianni au fournil, préparant le panettone aux
arômes de mandarine et de fleur d’oranger
qui garnissait les tables au matin de Noël, encore
la tradition… Gianni façonnant les petits
pains à l’huile relevés d’olives
et d’herbes, toujours la tradition… Elle
ne pouvait contenir son émotion. |
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PORTE
D'ORLÉANS, PORTE DE NOËL |
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Lorsqu’il
revint à lui, Hugo était perché
sur le buffet de la salle à manger, enfermé
dans une boule à neige qui voisinait avec un
père Noël somnolant sous une cloche en verre.
Il observait les habitués du réveillon
qui arrivaient ; on se congratulait : « Vous
avez fait bon voyage ? », ce qui semblait
évident puisque le SAMU n’attendait pas
devant la porte.
« À la réflexion, quand j’y
repense, depuis le début, rien n'est clair !
dit-il à haute voix. Tout a commencé avec
le bus, porte d’Orléans. “Tu montes
ou t’attends le déluge ?” m’a
crié le receveur, un type à la mine patibulaire.
J’ai trouvé sa remarque déplacée,
et c’est alors que j’ai aperçu la
girafe qui prenait l’air à une vitre baissée,
à l’arrière. Ça m’a
étonné, à cause du froid redoutable
de ce mois de décembre, mais il fallait que je
monte alors, je me suis glissé entre un canard
et un pierrot qui tenait un ballon, et j’ai grimpé
sur la plateforme. Après, c’est le trou
noir ! »
De temps en temps, quelqu’un le secouait puis
vaquait à ses occupations, alors il époussetait
les flocons qui se déposaient sur son blouson.
De platitude en platitude, ils passèrent à
table sans que quiconque se souciât de lui. Comment
était-ce possible ? Une véritable
énigme ! Il était de la famille,
tout de même ! Le fils, et le seul en plus !
Maintenant qu’il était arrêté,
le bus paraissait vitrifié, et dans cet étrange
contexte, c’est la girafe à sa fenêtre
qui le rassurait. Il s’assit sur un conglomérat
de verre coloré et décida de prendre son
mal en patience, quelqu’un finirait sûrement
par le remarquer. À ce moment-là, il devina
une ombre géante projetée sur le mur du
couloir que personne ne semblait voir. Comme pour lui.
Elle devait pourtant appartenir à quelqu’un !
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LA
SOURIS GRISE EN ROUGE ET VERT |
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Affligé
par le manque d’intérêt qu'on lui
témoignait, Micky empoigna son coffre à
jouets et partit, puisqu’il ne pouvait plus leur
faire confiance, l’enterrer par précaution
au pied du sapin – le jour même, sa grosse
souris en bois rouge et vert avait été
particulièrement attaquée.
L’interlude panne de moteur terminé, Paul
voulut comprendre. Il demanda à voir les objets
du délit, mais l’enfant répondit
sèchement qu’il les avait enfouis entre
Kate et Mauricette – ou plutôt entre les
tombes des deux chattes – et qu’au moins,
là, ses trésors reposeraient en paix jusqu’au
prochain Noël. Et il remontait dans sa chambre
quand il entendit ses parents chuchoter dans la cuisine :
« Qu’allons-nous faire de ce gosse ?
Il nous brode chaque jour une nouvelle histoire ! »
Ils ne le croyaient pas !
Piqué au vif, il décida d’établir
son quartier général près de son
patrimoine et retourna dans le jardin pour y planter
sa tente d’indien pour la nuit.
Pendant le dîner, Paul et Nina tentèrent
de le raisonner, sans résultat. Le dessert avalé,
il se glissa dans son duvet, celui réservé
aux randonnées en montagne, après avoir
enfilé son costume de chef sur ses deux pyjamas
molletonnés, mais il ne réussissait pas
à s’endormir, quelque chose brillait dehors.
Une forme se rapprochait.
Une énorme souris grise, avec une lanterne à
la patte, avançait dans l’allée.
Il l’observa sans bouger. Elle contourna la butte
de terre encore fraîche, creusa quelques marches,
et découpa une minuscule porte dans son coffre
pour y entrer, puis l’obscurité revint.
Il rentra dans la maison pour chercher des jumelles,
et comme elles s’avéraient parfaitement
inutiles, il colla son nez sur le sol, à la hauteur
de l’ouverture. Et il assista à un spectacle
inouï : l’effrontée grignotait sa
souris en bois et se délectait de la sciure,
au grand mépris de la peinture sûrement
toxique !
Il la saisit par la peau du cou et la regarda droit
dans les yeux.
— Moi qui accusais mes parents, ose dire
maintenant que tu ne boulottes pas mes affaires, la
nuit ! |
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LOU |
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Lou
trottait par les rues de la ville, entre les arbres
illuminés et les vitrines animées, en
se demandant quelle surprise l’attendait au pied
du sapin. La neige commençait à tomber,
le petit bonhomme tendit la langue pour attraper les
flocons ; froids, mais agréables, ni sucrés
ni salés, celui qui les envoyait de là-haut
ignorait les extrêmes. Il aimait cette période.
Chaque année, son père créait pour
lui des jouets merveilleux ; l’an passé,
c’était un établi, la réplique
du sien, et Lou en avait enfoncé des clous, des
hérissons de clous, même s’il n’avait
rien fabriqué.
Il s’arrêta devant l'étalage d’un
brocanteur, un de ces bric-à-brac qu'il affectionnait,
comme celui de son ami Marcel qui récupérait
des objets qu’il restaurait ou qu’il transformait.
Son atelier sentait bon la colle et la peinture, à
l’huile, à l’eau, cellulosique, Lou
savait en reconnaître tous les composants.
Cette évocation lui rappela les trois personnages
d’une très ancienne affiche Ripolin, lointain
souvenir de son enfance. Mais quel souvenir, et quelle
enfance ? Il avait l’âge du zan, des
carambars et de la barbe à papa ! Pourtant…
Il entra dans un café où il avait ses
habitudes et demanda au patron, vieux complice de beuverie :
« Un scotch… Un double, s’il
te plaît ! » Paul éclata
de rire en lui montrant l'arrêté sur la
réglementation de l’alcool.
— Va donc jouer ailleurs, petit ! Et laisse
les grands picoler en paix.
— Tu ne me reconnais pas ? dit Lou.
— Non, je ne t’ai jamais vu dans le quartier !
— Mais… on se connaît depuis trente
ans, on a fait notre service militaire ensemble !
C’est moi… Lou !
— C’est ça, c’est ça !
Et moi, je suis l’évêque de Canterbury.
— En plus, tu me piques mes bons mots !
— Tu veux la fessée, gamin ? répliqua
Paul en levant la main.
— Essaie… et je te fais la tête au
carré !
— Et avec quoi ? hein, morveux !
Ah, comme à cette heure, il aurait aimé
retrouver ses cinquante ans, comme Paul, et lui foutre
une raclée ! Mais il ne savait pas revenir
en arrière, le charme n’opérait
pas ainsi. Il avait tellement souhaité que ses
rêves se réalisent ! Il en avait formulé
des je voudrais ceci et des je voudrais
cela, sans résultat ; et cette fois,
il regrettait d’avoir évoqué les
Noëls d’antan, en famille. Quel acharnement
inconsidéré ! Son imagination lui
faisait un pied de nez. Il détestait déjà
ce qu'il trouverait sous le sapin. Il ne pourrait pas
dire à son père : « Je
m’en fous de ta voiture mécanique, je l’ai
déjà eue ! » |
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NOËL
EN TOUTE SAISON |
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Au
plafond, la trappe du grenier, avec son échelle
prête pour l’aider à délivrer
les secrets cachés dans l'obscurité, l’obsédait ;
il s’était promis d’y monter dès
que possible, et il se souvenait encore du jour où
il avait mis son projet à exécution. Pendant
que sa grand-mère s’engluait dans les bulles
de la confiture de mirabelles qui glougloutait dans
son écume, il avait grimpé fébrilement,
sans réfléchir. Puis, après avoir
péniblement soulevé la petite porte, il
avait attendu que la gerbe de poussière retombe
pour s’aventurer entre un chapeau claque, des
cannes à pommeau d’ivoire, des bagages
en cuir patiné, des coupes gagnées à
des concours de tir à l’arc, et un lot
de Rustica datés de 1936. C’est sans doute
en consultant le premier de la pile – une recette
y décrivait une salade agrémentée
de feuilles de chrysanthème – que son intérêt
pour la botanique avait pris forme. Il connaissait les
pissenlits par la racine, mais il ignorait tout des
chrysanthèmes !
Un coup d’œil en bas avait concrétisé
son imprudence, il ne pourrait jamais redescendre seul.
Alors, il avait improvisé une prière,
pas très catholique, pour que son père
ne s’attarde pas au billard avec le docteur Casanis.
Mais tant pis, après tout, car ce jour-là,
il apprenait beaucoup, et entre autres que les lérots
parlent ! Celui qui prenait le soleil sur le toit
avait sursauté quand il avait ouvert la lucarne,
et en lâchant sa noisette, il s’était
exclamé : « Tu pourrais quand
même faire attention ! Maintenant, j’ai
huit mètres à redescendre et je n’ai
pas l’impression que c’est toi qui vas y
aller… »
Ce petit mammifère avait du bon sens, sans doute
plus que son prof d’histoire qui s’évertuait
à leur faire croire que Jeanne d’Arc avait
entendu des voix. Tout en discutant, il lissait le toupet
de poils de sa superbe queue qui ressemblait à
un pinceau japonais gorgé d’eau ;
ils firent le tour de ses ennuis, puis il avait ajouté :
« Surtout, ne me parle pas des tiens, ça
va me foutre le cafard et je n’ai vraiment pas
besoin de ça ! » Ensuite, Flavien
l’avait laissé à ses occupations.
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AMELINE |
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En
cette veille de Noël, une bise glaciale soufflait
sur le golfe du Morbihan. Intrigué par le son
d’une cornemuse, Trois nèfles s’était
éloigné de ses parents, alors en grande
discussion avec le patron du petit bateau de pêche
qui les avait convoyés jusqu’à l’île
de Gavrinis. Il flânait le long du tumulus quand
il aperçut une jeune femme blonde aux cheveux
longs qui dessinait. Il s’approcha, et curieusement,
ses croquis ne reflétaient pas le décor
naturel qui les entourait. Elle sentit sa présence
et se retourna.
— T’es qui, toi ?
— Moi ? Trois nèfles, madame !
— Trouve autre chose, ce n’est pas un nom
ça !
— Mais… tout le monde m'appelle comme ça
!
— Et pourquoi donc ?
— Parce que je finis souvent en disant «
des nèfles ! »… Et toi, comment tu
t’appelles ?
— Mélanie !
— Et tu vis sur l'île ?
— Oui… Maintenant, tu me le donnes ton prénom
?
— Oh, non… NON ! Des nèfles !
— Quelle tête de mule !… Que fais-tu
ici ?
— Je suis en vacances… avec mes parents…
— Et ça n’a pas l’air de te
réjouir !
— …
— Alors, passons à autre chose. Aimes-tu
les histoires ?
— Oh, oui, j’adore ça ! Surtout les
BD.
— Celle que je voulais te raconter est plutôt
triste !
— Tant pis, raconte quand même.
Mélanie s’assit sur une grosse pierre et
elle commença son récit.
— Il s’agit d’un épisode de
la Guerre des Gaules, un combat entre César et
les Vénètes – les ancêtres
des Français – qui eut lieu ici, en Armorique,
en l’an 56 av. J.-C. |
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LES
PETITS MAUX DE ROLAND |
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Toutes
les commandes de sabots pour Noël étaient
terminées. Installé au fond de son échoppe,
Roland s’accordait une pause bien méritée
avec Lilou, sa petite chatte tigrée, sur les
genoux. « C’est que ça comprend,
ces petites bêtes-là ! »
murmura-t-il en lui grattant les oreilles. En se relaxant,
il lui faisait des confidences. Elle haussa les épaules,
sans qu’il le remarque. Des éclairs d’intelligence
comme ça, c’est des coups à foutre
le feu à la grange ! pensa-t-elle.
Un vent de révolte soufflait dans le monde animal,
et la bande de voyous qui résidait chez Roland
n’échappait pas à cette effervescence.
Une semaine avant le réveillon, Lilou, Saxo,
Kissy et le gros Mouss se rendirent dans la cave du
père Pochard, l’oncle de Roland, pour une
intersyndicale avec ceux du quartier. Kissy, la plus
délurée, déclara :
— Y en a marre de chez Mart… le cantonnier
du bourg !
Comme dans un rituel, les autres répondirent
en chœur :
— Ah, oui ! Y en a marre de chez Mart, son
jumeau d’une fraction de seconde !
Et ils éclatèrent de rire, la séance
pouvait commencer. Plus sérieusement, Kissy enchaîna :
— Nous nous réunissons aujourd’hui
pour ratifier une décision : assumer toute
la filière de notre alimentation. Parce qu’ils
sont gentils avec leurs boîtes ! Et je ne
parle pas de ceux qui n’ont plus que des miettes
à grappiller, ne tournons pas le couteau dans
la plaie !
Un grand tigré demanda :
— Et comment voulez-vous qu’on s’y
prenne ?
Lilou bougonnait dans son coin à propos de la
TVA, elle ne voyait pas pourquoi ils paieraient des
taxes ; au Moyen Âge, ses ancêtres
subissaient déjà la dîme et la gabelle,
il fallait que cela cesse. |
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UN
PÈRE NOËL GRIS ANTHRACITE |
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Avec
des objets ramassés ici et là qui ne présentaient,
de prime abord, pas le moindre intérêt,
Émile fabriquait de tout dans son atelier ;
et s’il n'était guère argenté,
son imagination débordante comblait généreusement
ce manque. L’hiver, pendant les longues soirées
rythmées par le craquement des parquets et des
poutres, il rêvait en donnant corps aux merveilleux
jouets qui feraient de délicieux matins de Noël.
Entre ses mains prenaient forme de fabuleux circuits
ferroviaires avec hangars à michelines et chalets
aux vitres multicolores, des bateaux et des chevaux
à bascule ou des personnages singuliers.
Ensuite, il descendait à la cave et préparait
la chaudière pour la nuit. Après avoir
secoué les cendres fumantes, il la chargeait
de boulets d’anthracite et attendait qu’elle
ronronne, assis sur un tabouret.
Fantin l’accompagnait souvent, il aimait l'observer.
Il ne lui parlait presque jamais dans ces moments-là ;
il laissait ses yeux s’habituer à l’obscurité
puis son regard fouillait chaque recoin. Un jour, il
remarqua cette inscription sur l’une des portes :
« Mon fils, ne sors jamais du cercle intérieur
de ton rêve, sinon le monde extérieur t’engloutira »
Cette phrase étrange l’inquiéta
un peu, mais à dix ans, on tourne vite la page…
Une araignée noire avec deux taches sur le dos,
une épeire diadème, un joli nom qu’il
ne connut que bien plus tard, lui paraissait plus familière
que les autres. Si elle se tenait devant le poêle,
dehors le froid était tolérable, mais
si elle se cachait derrière, alors il devait
geler. Un véritable baromètre ! C’était
d’autant plus amusant que la température
du sous-sol ne variait guère. Son père
la repoussait du bout du pied, cela ne devait pas lui
plaire, car elle repartait dans l’ombre de la
chaudière sans demander son reste. En quelques
semaines, elle avait grossi de façon anormale,
son abdomen ressemblait à une petite Montmorency.
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