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«
Rêver, c’est encore ce que l’homme sait faire
le mieux ! » |
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Le personnage clef de ma vie fut ma grand-mère. Nous
partagions la même passion pour le cinéma et
les religieuses au chocolat ! Elle était gourmande
cette brave femme ! Je l’entends encore : « Alain,
tu n’aurais pas une petite faim ? — Oui, bien
sûr ! » et… direction le salon de thé
!
À cette époque, le cinéma n’était
pas permanent. Il y avait deux séances l’après-midi
et une en soirée alors, le jeudi, nos escapades se
composaient d’un goûter à l’extérieur,
précédé d’une séance de
western ou d’un péplum, façon années
50 ! C’est dans un petit cinéma de la cité
intérieure de la ville de Meaux que je vis le plus
ancien des péplums : « Ben-Hur » de Fred
Niblo, un film muet de 1926, avec pour actrice principale
la belle Carmel Myers et le jeune premier Ramon Novarro.
Bien évidemment, les différentes aventures de
Buffalo Bill projetées ne peuvent être passées
sous silence bien que j’aie appris ensuite à
détester ces films d’avant les années
70 qui glorifiaient le génocide des Indiens.
Plus tard, je devins plus exigeant ! Ma préférence
alla plutôt à des films cultes tels que «
La Bandera » de Julien Duvivier en 1935, avec Annabella.
Le tatouage qu’elle avait au milieu du front me fascinait
! Puis ce fut « La Belle et la Bête » de
Jean Cocteau et René Clément de 1946, avec Jean
Marais et Josette Day. Inoubliable la voix rauque de Jean
Marais et le faciès de cette bête !
Vers l’âge de 20 ans, je devins présentateur
de films d’art et essai. Le ciné-club fut déterminant
pour ma culture cinématographique. J’eus même
l’occasion de passer le « Buffalo Bill »
de William Wellman, de 1944, avec Joel McCrea qui, je dois
l’avouer, est époustouflant de naïveté !
Une fois par semaine, pour un franc la séance, et cela
pendant un mois, je présentais le même film avec
un débat, si affinité, pour finir la soirée.
Certains venaient parce que la séance n’était
pas chère puis ils s’éclipsaient juste
après le film pour éviter le débat !
La première surprise passée, nous avions pris
l’habitude de fermer les portes dès que la salle
était dans le noir… mais rien n’y fit.
Aujourd’hui, j’en ris, mais à l’époque,
je fulminais !
Il m’est arrivé de présenter le même
film pendant 2 mois, les stocks étaient épuisés
et le budget vraiment très maigre. C’était
« Boulevard du crépuscule » de Billy Wilder
de 1950 avec l’incontournable, la sublime Gloria Swanson
! Superbe brune déterminée à faire tourner
les hommes en bourrique ! C’est à cette époque
qu’un film me fit une forte impression : le «
Bonnie and Clyde » d’Arthur Penn en 1967 avec
Warren Beatty et Faye Dunaway. Ce cher Arthur n’a jamais
fait dans la dentelle.
Mais un autre a su cultiver le malaise, c’est Luchino
Visconti, aristocrate milanais dont l’esthétisme
n’est plus à prouver, si attentif aux détails
que tout devait être authentique, même si cela
n’était pas visible à l'écran.
Ma préférence va au « Guépard »
avec Burt Lancaster et Claudia Cardinal. Si vous aimez les
ambiances fin d’époque, « Les Damnés
» avec Dirk Bogarde et Ingrid Thulin sont à mettre
sur votre carnet de route mais, je vous rassure, « Mort
à Venise » n’est pas non plus un film comique.
Mon coup de cœur de ce jour va à « L’Éternel
Retour » de Jean Delannoy, de 1943, avec Madeleine Sologne
et Jean Marais, blond, les yeux perdus dans un poème
de Cocteau. Alors, de Bette Davis à la pulpeuse Marilyn
Monroe, d’Orane Demazis aux yeux de cocker triste dans
les films de Pagnol à l’élégante
Katharine Hepburn… par Odin ! Que d’émotions !
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Pendant
que le lourd rideau de velours pourpre s’ouvrait lentement
sur l’écran cristal grand format, quelques
bravos fusaient de la salle bien que ces assidus n’aient
encore rien vu. C’était cela, la convivialité
! Lorsque le film durait trois heures, il était coupé
par un entracte de vingt minutes animé par une petite
attraction : jongleurs, mimes ou prestidigitateurs. Parfois,
c’était un récitant qui lisait les poèmes
d’un illustre inconnu ! C’est alors qu’intervenait
la jeune fille en blouse indigo, avec son panier en osier
en bandoulière qui contenait toutes les merveilles
qui firent les grandes heures des dentistes.
Il y avait trois cinémas en ville : le Magestic,
le Palace et le Variété. Ce dernier était
tenu par toute une famille : le père à la
projection, la mère à l’organisation
des bobines et les deux filles qui distribuaient friandises
et programmes. Un été, le mécontentement
gronda : le cinéma était fermé pour
deux mois… mais en septembre, la quadriphonie était
installée. Le luxe quoi !
Alors, que la lumière s’éteigne sur
l’écran publicitaire et que ma séance
commence !
Surgit de ma mémoire, « À l’Est
d'Eden » d’Elia Kazan, de 1955, avec James Dean
: un garçon qui ne veut surtout pas de la réalité
de son époque, un rebelle comme je les aime ! Drôle
d’ambiance aussi avec « À bout de souffle
» de Jean-Luc Godard, de 1960, avec Jean-Paul Belmondo
et Jean Seberg. Ah… ce petit accent et cette coupe
de cheveux à la garçonne ! Et ce Belmondo
fluet, inquiet, qui lui donne la réplique…
Qui pourrait rêver mieux ! Rien à voir avec
le Bebel de Cyrano de Bergerac, au théâtre
Marigny, en 1990.
Après l’ambiguïté du metteur en
scène américain (il faut le noter) et la nouvelle
vague, faisons une pause avec « Chantons sous la pluie
» de Stanley Donen, de 1952, avec Gene Kelly et Cyd
Charisse : quand le cinéma parlant met en péril
une star du muet… Et si l’humeur est au romanesque
exacerbé, « Ce merveilleux automne »
de Mauro Bolognini, de 1969, avec Lollobrigida et Paolo
Turco, vous comblera d’amours décalés
et de guimauve.
Dans les années cinquante, les revues de cinéma
abondaient dans les kiosques. Il y avait, bien sûr,
les magazines relatant la vie et l’œuvre de nos
artistes préférés mais également
des films en romans-photos… On se les repassait jusqu’à
l’usure complète. Les copains d’abord,
comme aurait dit Brassens et à propos de Georges,
à noter le film « Porte des lilas »,
d’après un roman de René Fallet «
La grande ceinture » où, il est évident
qu’il n’est pas très à l’aise.
Il n’a d’ailleurs pas récidivé.
L’actrice fétiche de ma jeunesse, c’était
Greta Garbo et particulièrement dans le film :
« La courtisane » de Robert Z. Leonard,
de 1931 dont le titre original est "Suzan Lenox".
Le couple maudit Garbo/Clark Gable, c’était
autre chose que du Bergman. Même si l’on risque
de s’endormir à tout moment, Bergman reste
cependant un esthète dans son domaine. Je pense précisément
à « Cris et chuchotements » un film de
1972 avec Liv Ullmann et Ingrid Thulin. Ambiance feutrée
et glauque d’une décadence annoncée.
L’un des plus beaux films qu’il me fût
donné de commenter restera « Les Enfants du
paradis » de Marcel Carné, de 1945, avec Jean-Louis
Barrault et Arletty que personne, d’ailleurs, ne s’est
jamais risqué d’imiter, mais mon coup de cœur
ira à « Gueule d’amour » de Jean
Grémillon, de 1937, avec la vénéneuse
Mireille Balin et bien sûr Jean Gabin. Décidément,
il aura tout su jouer ce grand monsieur du cinéma
français ! Alors, chapeau bas monsieur Gabin, je
suis sûr que vous avez votre place au firmament.
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Il
arrivait parfois que le lourd rideau de velours pourpre ne s’ouvre
pas. Les enfants trépignaient et les adultes, impatients,
bougonnaient. Puis, invariablement, des papiers de bonbons virevoltaient
dans l’air. Le folklore quoi ! Un jour, pour faire patienter
ces fauves en mal de film, la direction du Variété
envoya un clown, debout sur un tout petit vélo. Le résultat
était presque prévisible, il prit l’une
de ses roues dans le rideau qui tomba sur la scène, en
charpie, brûlé par le temps. Fin de la tenture,
début du spectacle ! Ma séance commence par «
Soupçons » d’Alfred Hitchcock, de 1941, avec
Cary Grant et Joan Fontaine, costume bien coupé, masculine
à souhait, parano ou pas ? Le suspens tient doublement
du fait que le scénario prévoyait une fin pessimiste
mais que la RKO, producteur du film, souhaitait le contraire.
Le ciné-club s’éloigne lentement de ma conscience
avec « La Rue sans joie » de Georg Wilhelm Pabst,
de 1925, et la bouche offerte à l’amour de Greta
Garbo. Il faut bien sûr avoir vu le pictural film de Lubitsch
de 1923 « Rosita » avec Mary Pickford et Holbrook
Blinn. Délicieuse apparition de Mary, chanteuse de rue,
en mantille sur décor onirique. Beaucoup plus tard, en
1968, l’incontournable « Roméo et Juliette
» de Zeffirelli n’aura pas échappé
à ceux qui aiment les histoires d’amour qui finissent
mal. Les histoires d’amour portent toutes en elles, même
à l’état embryonnaire, les ingrédients
de futurs conflits.
On dit que l’oiseau peut voler toujours plus haut, cette
image prit tout son sens avec l’apparition du magnétoscope.
Imaginez… pour un cinéphile, avoir la possibilité
de se passer en boucle, de son fauteuil, les films qu’il
a aimés ! Seule ombre au tableau au début, il
n’y avait que peu de choix. Par la suite, et avec l’aide
des distributeurs qui avaient palpé la manne, j’ai
fini par avoir une vidéothèque de plus de 1000
films. À croire que chiner est une vocation. Le nec plus
ultra, c’est l’arrêt sur image pour apprécier
un costume, un décor, une expression sur un visage. D’un
petit coup de boîtier, on revoit avec plaisir Kirk Douglas
en Van Gogh ou la petite bouille de Catherine Demongeot dans
le Zazie ! « Zazie dans le métro »…
ses 4 CV, ses Dauphines et ses tractions avant ! Fontaines Wallace,
que serions-nous sans vous, les soirs d’été
? À propos de douceur, c’est en cette saison que
je revis « Sur les quais » d’Elia Kazan avec
Marlo Brando, blouson de cuir, quartier des docks… un
Terry Malloy taciturne, secret, qui élève des
pigeons sur le toit de son immeuble.
Ma famille ayant une grande importance pour moi, je ne peux
m’empêcher de penser que mon père aurait
aimé le film Jean-Pierre Melville « Le silence
de la mer » de 1947, avec Howard Vernon dans le rôle
de l’Allemand, le fameux Von Ebrennac. Un film qui annonçait
cette Europe que nous essayons de faire péniblement.
Un Allemand qui exècre la guerre, une nièce bien
française qui tombe amoureuse du beau militaire…
on se croirait dans Offenbach !
Mon coup de cœur de ce soir ira à un film américain
de 1941 qui se termine bien ! « Sergent York » avec
Gary Cooper et Joan Leslie dans le rôle Gracie Williams.
L’action se passe en 1916, dans le Tennessee, Gary Cooper
alias Alvin C. York défendra sa patrie, deviendra un
héros, et comme happy end, retrouvera Gracie et sa terre.
Au cinéma, j’aime que ça se termine bien
! La semaine qui suit est plus belle, plus revigorante ! Il
ne faut pas oublier que l’on dort comme on fait son lit…
À bientôt, s’il me reste de l’encre
dans l’encrier de porcelaine blanche de mes voyages oniriques…
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Silvana
89
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Parfois,
il me plaît à m’attarder sur un personnage
du cinéma que j’ai beaucoup aimé. C’est
le cas pour Silvana Mangano, née en 1930, décédée
en 1989. Elle fut l’égérie des romans-photos
chipés à ma grand-mère qui les gardait
jalousement enfermés dans sa grande armoire Louis-Philippe.
Ça, elle ne les aurait pas cédés pour un
empire !
Mais revenons à Silvana : à la fin des années
40, le néoréalisme italien s’essouffle et
se dissout et c’est l’apparition de la comédie
italienne avec un brin d’érotisme ! Pas trop car
l’église veille ainsi que la Mama !
Après la débâcle du fascisme, les comédiennes
sont recrutées essentiellement pour leur physique. C’est
alors que surgissent entre 1947 et 1949, des actrices telles
que Gina Lollobrigida, Silvana Pampanini, Sophia Loren puis
Silvana Mangano. Certaines, bien sûr, se cantonneront
aux rôles de figurante. Par contre, celle qu’on
ne peut oublier dans « Riz Amer » c’est bien
évidemment Silvana ! Tourné en 1949, par Giuseppe
de Santis, dans les rizières du Nord de l’Italie,
il y flotte un tel air de conflit social et de parfum de communisme
que le film eut droit à l’étiquette de «
film contestataire » !
Le « costume » de Silvana Mangano dans les rizières
- si l’on peut l’appeler ainsi - était d’une
grande simplicité : short et corsage tendu à l’extrême.
J’ai encore aujourd’hui un doute sur l’authenticité
de sa tenue… mais elle séduisit ainsi toute l’Italie
! Les Italiens savaient déjà faire du fric à
l’époque ! À montrer ses avantages en nature,
elle finit même par épouser le producteur, Dino
de Laurentiis, l’année même de la sortie
de Riz Amer.
En 1981, la mort de son fils fait basculer sa vie. Elle quitte
son mari, les États-Unis, et s’installe à
Madrid. Deux fois encore, elle cédera à l’appel
des studios.
Dans « Dune » en 1984, puis son dernier rôle
sera celui de l’épouse de Marcello Mastroianni
dans « Les yeux noirs », un film mis en scène
par Nikita Mikhalkov, à Rome, en 1987.
Je ne l’oublierai jamais dans « Mort à Venise
» de Visconti, superbe, dans sa robe rose agrémentée
d’un long sautoir de perles, les yeux perdus dans le vague.
Deux ans plus tard, elle rejoindra les étoiles déjà
si nombreuses. Je ne sais pas si tous les chemins mènent
à Rome, mais le mien passa, jadis, par Silvana Mangano !
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Il
est 3 heures du matin, l’air embaume l’humus, un
temps magnifique pour les vampires ! Le premier quartier de
lune orangé pose son croissant sur un ciel constellé
d’étoiles, seront-ils au rendez-vous ?
Le bal des victimes de « Nosfératu » film
fantastique de Wilhelm Murnau aura lieu en 1922, avec Max Schreck
dans le rôle du comte Orlock, alias Nosferatu, et dans
celui d’Ellen, Greta Schroeder qui joue à la perfection
la femme du jeune Hutter, agent immobilier dans les Carpates,
en 1830. Curieux film qui mélange astucieusement le romantisme
et la terreur. Pour l’anecdote, il faut se souvenir qu’il
fut adapté illégalement du roman de Bran Stoker,
poème de l’amour fou qui plut tant aux surréalistes.
Le diurne et le nocturne s’affrontent dans un bal primaire.
Plus terre-à-terre… on ne craignait pas les vampires
chez mes grands-parents ! L’ail était cultivé
au jardin, quant aux crucifix, ma grand-mère en avait
fait provision dès le début de la guerre de 14-18
! La Lune insiste, je retourne à mes mauvaises fièvres
!
De tout temps, le cinéma a absorbé le genre misérabiliste
c’est pourquoi il faut voir le film de Peter Greenaway,
de 1987, « Le ventre de l’architecte » personnage
aux conceptions visionnaires, avec Brian Dennehy et Lambert
Wilson, une visite insolite dans Rome. Mais le pire reste à
venir avec « Répulsion » de Roman Polanski,
de 1965. La distribution n’est pas sans intérêt
: Catherine Deneuve, Ian Hendry et Yvonne Furneaux. Folie et
obsession se côtoient durant tout le film.
Tout comme l’homme ne peut vivre que de pain, il convient
de s’aménager quelques moments de répit.
J’irai, pour cela, dans l’univers d’honneur
de José Giovanni, avec le généreux film
« Où est passé Tom ? » de 1971, qui
ne fera malheureusement pas date, le film fera un flop. Dommage…
car Rufus - Tom dans le film - est un pacifiste qui finit par
prendre les armes pour abattre un tyran.
Dans un style aussi marginal, les jeunes déboussolés
de « Ostia » de Sergio Citti, de 1970, avec Laurent
Terzieff, sont influencés par l’ombre, au-dessus
de leurs têtes, de Pasolini planant en co-scénariste.
Mais il existe plus fort : « Los Olvidados » de
Luis Bunuel, de 1950 : des enfants abandonnés dans les
faubourgs de Mexico qui vivent de chapardages. Rien n’a
vraiment changé… Tous les films où gravitent
des enfants ne sont pas, heureusement, aussi tristes. J’en
connais un qui me touche particulièrement : « Je
reviendrai à Kandara » dont certaines scènes
furent tournées dans la ville où je suis né.
Un drame policier, de 1957, avec Daniel Gelin, François
Périer, Bella Darvi.
J’entends le rideau de velours pourpre s’impatienter
mais pour ce soir, j’ai encore une petite merveille en
coulisse « L’intruse » de Bruno Gantillon,
de 1985, avec Richard Bohringer, Bernard-Pierre Donnadieu et
Laura Morante. Un film esthétique, sorti en salle sans
publicité, qui ne resta qu’une semaine à
l’affiche à Paris : à la fin de la guerre
de 1870, la rivalité de deux frères qui cachent
une étrangère poursuivie par des villageois féroces.
Il faut savoir parfois se méfier de la campagne !
Pour terminer la soirée, ce sera mon coup de cœur
pour le Québec : « Il était une fois des
gens heureux » de 1981, avec Stéphane Audran, qui
retrace la belle province entre 1938 et 1945. Entre américanophilie
et francophonie militante, Dieu reconnaîtra peut-être
les siens…
Je vous souhaite une bonne nuit. |
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Ce
soir, j’ai un peu froid. Vous savez, ces légers
frissons qui vous courent le long de la colonne vertébrale
sous l’influx de l’émotion. Je pense à
ceux qui, aujourd’hui, traversent les Badlands, là
où serait dissimulée la sépulture de Crazy
Horse. J’ai beau aimer le cinéma, les anamorphoses
des studios de la Paramout concernant les Indiens, ça
ne passe pas ! Il reste tant de choses qui font réfléchir
sur l’avenir de l’homme que l’on revient toujours
à nos fantômes… comme ce village de Calico,
dans le désert du Mojave en Californie, ancien camp désaffecté
de mineurs. Je suis venu au cinéma par la porte des westerns
très largement ouverte sur des paysages naturels comme
les cheminées de grès de Monument Valley, en Arizona,
magnifiées par John Ford. Je ne dirais pas la même
chose des idées qui s’en dégagent mais comme
disent les Anglo-Saxons : « Nobody is perfect ! »
Je vais, malgré cela, pénétrer sur la pointe
des pieds dans ces vallées, suivre le vent.
En creusant, on trouve quelques perles noires. « Alamo
», de 1960, l’épopée du fameux Davy
Crockett de mon enfance, de et avec John Wayne, et le patibulaire
Richard Boone : en 1836, la province mexicaine du Texas entre
en rébellion et le féroce général
mexicain Santa Anna, attendant son heure, fera le siège
du ridicule fort. Tout cela finira par l’extermination
de Crockett et des 185 braves après un siège de
13 jours. Mais c’est l’envergure mythologique du
film qui compte !
Moins connu, mais tout aussi regardable, « Arizona »
de Wesley Ruggles, de 1941, avec William Holden, Warren William
et George Chandler, un film qui se termine bien : la jeune fille
courageuse qui monte son entreprise finira par épouser
le garçon qu’elle aime.
Dans une version technicolor, on ne peut oublier « Au-delà
du Missouri » de William Wellman, de 1951, avec Clark
Gable et Ricardo Montalban. Le film se passe dans des décors
grandioses, un chasseur de castors décide d’en
découdre avec la vie !
Malgré Vivien Leigh en amoureuse obstinée, je
ne m’attarderai pas sur « Autant en emporte le vent
» de 1936, trop connu. Dans le style grands espaces qui
décapent, surtout ne pas éviter « Bandolero
» d’Andrew V. McLaglen, de 1968, avec James Stewart,
Dean Martin mais surtout celle qui fit rêver tous les
mecs, la plutôt gironde Raquel Welch ! Attaques de banques,
poursuites, on ne s’ennuie pas un instant !
Ce soir, je vais me faire plaisir en parlant d’un personnage
que je n’aime pas beaucoup : ce fou de Custer. Il n’avait
oublié qu’un détail, les Indiens n’étaient
pas plus bêtes que lui ! Si la bataille Little Big Horn
lui fut fatale, ce sera pourtant elle qui lui permettra d’entrer
dans la légende de l’Ouest. Le plus surprenant,
et en cela il aurait pu être le modèle de l’expression
comment retourner sa veste, cet individu dénonça,
lorsqu’il était à West Point, la politique
menée contre les Indiens !
Ne pouvant me coucher sur cette sensation négative, je
vous offre cette petite merveille : « Le dernier train
de Gun Hill » de John Sturges, de 1959, avec Kirk Douglas
et Anthony Quinn. Une amitié qui devient une véritable
tragédie puisque le fils de l’un a assassiné
l’épouse de l’autre ! La justice doit passer
en force.
D’autres westerns viendront, tous au pied du totem de
mes souvenirs ! Je vous souhaite une bonne nuit. Je vais aller
dormir à Monument Valley…
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Magnani
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Parmi
les actrices italiennes qui ont bercé mon adolescence,
il y en a une qui tient une place à part, peut-être
à cause du tragique, de l’austérité
de son visage, du sérieux de ses rôles, comme par
exemple dans le film de Luchino Visconti de 1951 « Bellissima ».
Femme indomptable, elle incarne parfaitement les mélodrames
jusqu’à se substituer au genre. Elle est la brune
à la chevelure étonnamment lisse, presque non
apprêtée. Elle pourrait sortir de chez elle, personne
ne saurait qu’elle va tourner et pourtant, quel talent
!
Née en 1908 en Egypte, à Alexandrie, puis élevée
à Rome dès l’âge de cinq ans, Anna
Magnani est formée à l’école du théâtre
et du spectacle de variété. De toutes les actrices
du cinéma italien, elle est la seule dont on peut dire
sans se tromper : « Celle là vient du théâtre
! » Elle en a la gestuelle, la présence et le jeu
scénique. Elle incarne la précision du geste,
le mot juste, l’intonation grave qui impose le respect.
Il y a les acteurs que l’on admire et ceux qui, à
cause de leur maladresse, installent en nous le rire - je pense
à la série « Angélique, marquise
des anges » ! Je ne méprise aucun genre mais il
me plaît de côtoyer le grand art, le seul véritablement
enrichissant, celui qui laisse des souvenirs imperturbables
dans le vaste domaine de notre mémoire.
À l’âge de 18 ans, Anna Magnani fait son
apparition au théâtre. Dès 1934, elle apparaît
au cinéma dans « La Cieca di Sorrento »,
en 1936 dans « Cavalleria », en 1941 dans «
La Fuggitiva ». Celui qui fera prendre son envol au papillon
de nuit sera Vittorio de Sica dans « Teresa Venerdi »
en 1941. La gloire lui viendra d’un seul film «
Rome ville ouverte » de Rossellini en 1945. Servie par
des metteurs en scène prestigieux, son exubérance
et la précision de ses rôles lui donneront la stature
d’une actrice de carrière internationale et le
style néo-réalisme, porteur pour elle, lui permettra
d’aller crescendo.
« Rome ville ouverte » est l’un des piliers
du cinéma italien, sans doute parce qu’il est imprégné
de politique et surtout de résistance, et je pense ici
à ceux qui tombèrent pour des idées sous
les balles nazies dans le Val de Suze (Italie du Nord). Femme
du peuple, échevelée, bouleversante dans son attachement
à la résistance, pas étonnant qu’elle
fût l’égérie de toute une jeunesse
italienne attachée à de nouvelles idées
qui finiront par s’imposer en Italie. La génération
de mes grands-parents ne s’en laissait pas conter, elle
qui avait connu les horreurs de la guerre d’Abyssinie
! Dans « Rome ville ouverte », elle mourra en essayant
d’arracher aux nazis l’homme qu’elle aime.
Fascinante femme d’amour et d’honneur. Etonnante
travailleuse, elle enchaînera film après film comme
quelqu’un que je connais bien qui a toujours peur de ne
pas avoir le temps de tout faire !
En 1946, ce sera « Un homme revient » de Max Neufeld,
« Devant lui tremblait tout Rome » de Carmine Gallone
et « Au diable la richesse » de Gennano Righelli.
Elle sera « Assunta Spina » dans le film de Mario
Mattoldi.
En 1948, elle tournera dans « Molti Sogni per le strade
» de Mario Camerini puis Rossellini reviendra dans sa
vie avec deux épisodes de « Amore » ; pour
la petite histoire, ils ne pourront éviter une liaison
orageuse ! Il est vrai que la plénitude de son art, là
où elle donne toute sa force, c’est essentiellement
dans les drames et mélodrames. En 1949, elle sera Maddalena
Natoli dans « Vulcano » de William Dieterle.
Son second mentor sera Lucino Visconti notamment avec «
Bellisima » en 1951 et un épisode de « Nous,
les femmes » où elle joue son propre rôle,
en 1953.L’apothéose viendra de Renoir dans le rôle
magique du « Carrosse d’or » de 1953.
Chacun ses goûts… je ne peux pas dire que sa période
américaine soit celle que je préfère, il
manque le lyrisme italien mais on ne peut la contourner, elle
donne l’autre facette du talent d’Anna Magnani.
Hollywood qui n’épargne personne lui demandera
de donner la réplique à Burt Lancaster dans «
La rose tatouée » en 1954. Ce sera malgré
tout un oscar à la clef en 1955 qui lui permettra la
reconquête de l’Italie qui commence à se
lasser de son actrice incontrôlable, et on la reverra
en 1957 dans un film de Mario Camerini « Suor Letizia
». Bref retour, il faut bien le dire car ensuite, elle
ne fera que des allers et retours entre l’Italie et les
États-Unis. Toujours en 1957, George Cukor (pas le pire
des metteurs en scène !) lui donnera le rôle de
Gioia dans « Wild is the wind » puis Sydney Lumet
en 1959, celui de Lady Torrance dans « L’Homme à
la peau de serpent ».
En 1965, elle reviendra au théâtre avec «
Mère courage » de Brecht montée à
Broadway. Ensuite se succèderont « La Lupe »
de Giovanni Verga qu’elle jouera dans plusieurs capitales
européennes et « La Voyante » d’André
Roussin. Bien que je n’apprécie pas les frasques
de Pasolini, il lui donnera son dernier grand rôle en
1962 dans « Mamma Roma ».
Si l’on voulait résumer Anna Magnani, on pourrait
dire d’elle qu’elle ne sombra jamais dans la facilité
! Elle fut la rebelle, la batailleuse, l’obstinée,
la femme fière et généreuse du cinéma
italien. C’est en cela, qu’elle est unique ! Elle
est le personnage incontournable du cinéma italien expressionniste.
Tout le monde se souvient de son visage anguleux, de son nez
busqué, de ses yeux clairs que rehaussaient des ombres
tragiques. Elle défia les canons traditionnels de la
beauté. Elle est l’exemple d’une vie passionnée
et orageuse que Fellini immortalisa en 1971 dans « Roma
». Les anges montent au ciel, les démons rejoignent
les enfers, la seule qui voyagea en carrosse d’or, fut
Anna Magnani !
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suite…
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