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      « Rêver, c’est encore ce que l’homme sait faire le mieux ! »      
 

 


Le personnage clef de ma vie fut ma grand-mère. Nous partagions la même passion pour le cinéma et les religieuses au chocolat ! Elle était gourmande cette brave femme ! Je l’entends encore : « Alain, tu n’aurais pas une petite faim ? — Oui, bien sûr ! » et… direction le salon de thé !

À cette époque, le cinéma n’était pas permanent. Il y avait deux séances l’après-midi et une en soirée alors, le jeudi, nos escapades se composaient d’un goûter à l’extérieur, précédé d’une séance de western ou d’un péplum, façon années 50 ! C’est dans un petit cinéma de la cité intérieure de la ville de Meaux que je vis le plus ancien des péplums : « Ben-Hur » de Fred Niblo, un film muet de 1926, avec pour actrice principale la belle Carmel Myers et le jeune premier Ramon Novarro.
Bien évidemment, les différentes aventures de Buffalo Bill projetées ne peuvent être passées sous silence bien que j’aie appris ensuite à détester ces films d’avant les années 70 qui glorifiaient le génocide des Indiens.
Plus tard, je devins plus exigeant ! Ma préférence alla plutôt à des films cultes tels que « La Bandera » de Julien Duvivier en 1935, avec Annabella. Le tatouage qu’elle avait au milieu du front me fascinait ! Puis ce fut « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau et René Clément de 1946, avec Jean Marais et Josette Day. Inoubliable la voix rauque de Jean Marais et le faciès de cette bête !
Vers l’âge de 20 ans, je devins présentateur de films d’art et essai. Le ciné-club fut déterminant pour ma culture cinématographique. J’eus même l’occasion de passer le « Buffalo Bill » de William Wellman, de 1944, avec Joel McCrea qui, je dois l’avouer, est époustouflant de naïveté ! Une fois par semaine, pour un franc la séance, et cela pendant un mois, je présentais le même film avec un débat, si affinité, pour finir la soirée. Certains venaient parce que la séance n’était pas chère puis ils s’éclipsaient juste après le film pour éviter le débat ! La première surprise passée, nous avions pris l’habitude de fermer les portes dès que la salle était dans le noir… mais rien n’y fit. Aujourd’hui, j’en ris, mais à l’époque, je fulminais !
Il m’est arrivé de présenter le même film pendant 2 mois, les stocks étaient épuisés et le budget vraiment très maigre. C’était « Boulevard du crépuscule » de Billy Wilder de 1950 avec l’incontournable, la sublime Gloria Swanson ! Superbe brune déterminée à faire tourner les hommes en bourrique ! C’est à cette époque qu’un film me fit une forte impression : le « Bonnie and Clyde » d’Arthur Penn en 1967 avec Warren Beatty et Faye Dunaway. Ce cher Arthur n’a jamais fait dans la dentelle.
Mais un autre a su cultiver le malaise, c’est Luchino Visconti, aristocrate milanais dont l’esthétisme n’est plus à prouver, si attentif aux détails que tout devait être authentique, même si cela n’était pas visible à l'écran. Ma préférence va au « Guépard » avec Burt Lancaster et Claudia Cardinal. Si vous aimez les ambiances fin d’époque, « Les Damnés » avec Dirk Bogarde et Ingrid Thulin sont à mettre sur votre carnet de route mais, je vous rassure, « Mort à Venise » n’est pas non plus un film comique.

Mon coup de cœur de ce jour va à « L’Éternel Retour » de Jean Delannoy, de 1943, avec Madeleine Sologne et Jean Marais, blond, les yeux perdus dans un poème de Cocteau. Alors, de Bette Davis à la pulpeuse Marilyn Monroe, d’Orane Demazis aux yeux de cocker triste dans les films de Pagnol à l’élégante Katharine Hepburn… par Odin ! Que d’émotions !
  

 

 
       
   
   
1ère séance
   
     
     
 

 

Pendant que le lourd rideau de velours pourpre s’ouvrait lentement sur l’écran cristal grand format, quelques bravos fusaient de la salle bien que ces assidus n’aient encore rien vu. C’était cela, la convivialité ! Lorsque le film durait trois heures, il était coupé par un entracte de vingt minutes animé par une petite attraction : jongleurs, mimes ou prestidigitateurs. Parfois, c’était un récitant qui lisait les poèmes d’un illustre inconnu ! C’est alors qu’intervenait la jeune fille en blouse indigo, avec son panier en osier en bandoulière qui contenait toutes les merveilles qui firent les grandes heures des dentistes.

Il y avait trois cinémas en ville : le Magestic, le Palace et le Variété. Ce dernier était tenu par toute une famille : le père à la projection, la mère à l’organisation des bobines et les deux filles qui distribuaient friandises et programmes. Un été, le mécontentement gronda : le cinéma était fermé pour deux mois… mais en septembre, la quadriphonie était installée. Le luxe quoi !
Alors, que la lumière s’éteigne sur l’écran publicitaire et que ma séance commence !

Surgit de ma mémoire, « À l’Est d'Eden » d’Elia Kazan, de 1955, avec James Dean : un garçon qui ne veut surtout pas de la réalité de son époque, un rebelle comme je les aime ! Drôle d’ambiance aussi avec « À bout de souffle » de Jean-Luc Godard, de 1960, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg. Ah… ce petit accent et cette coupe de cheveux à la garçonne ! Et ce Belmondo fluet, inquiet, qui lui donne la réplique… Qui pourrait rêver mieux ! Rien à voir avec le Bebel de Cyrano de Bergerac, au théâtre Marigny, en 1990.

Après l’ambiguïté du metteur en scène américain (il faut le noter) et la nouvelle vague, faisons une pause avec « Chantons sous la pluie » de Stanley Donen, de 1952, avec Gene Kelly et Cyd Charisse : quand le cinéma parlant met en péril une star du muet… Et si l’humeur est au romanesque exacerbé, « Ce merveilleux automne » de Mauro Bolognini, de 1969, avec Lollobrigida et Paolo Turco, vous comblera d’amours décalés et de guimauve.

Dans les années cinquante, les revues de cinéma abondaient dans les kiosques. Il y avait, bien sûr, les magazines relatant la vie et l’œuvre de nos artistes préférés mais également des films en romans-photos… On se les repassait jusqu’à l’usure complète. Les copains d’abord, comme aurait dit Brassens et à propos de Georges, à noter le film « Porte des lilas », d’après un roman de René Fallet « La grande ceinture » où, il est évident qu’il n’est pas très à l’aise. Il n’a d’ailleurs pas récidivé.

L’actrice fétiche de ma jeunesse, c’était Greta Garbo et particulièrement dans le film : « La courtisane » de Robert Z. Leonard, de 1931 dont le titre original est "Suzan Lenox". Le couple maudit Garbo/Clark Gable, c’était autre chose que du Bergman. Même si l’on risque de s’endormir à tout moment, Bergman reste cependant un esthète dans son domaine. Je pense précisément à « Cris et chuchotements » un film de 1972 avec Liv Ullmann et Ingrid Thulin. Ambiance feutrée et glauque d’une décadence annoncée.

L’un des plus beaux films qu’il me fût donné de commenter restera « Les Enfants du paradis » de Marcel Carné, de 1945, avec Jean-Louis Barrault et Arletty que personne, d’ailleurs, ne s’est jamais risqué d’imiter, mais mon coup de cœur ira à « Gueule d’amour » de Jean Grémillon, de 1937, avec la vénéneuse Mireille Balin et bien sûr Jean Gabin. Décidément, il aura tout su jouer ce grand monsieur du cinéma français ! Alors, chapeau bas monsieur Gabin, je suis sûr que vous avez votre place au firmament.

 

 
       
   
   
2e séance
   
             
 

 
Il arrivait parfois que le lourd rideau de velours pourpre ne s’ouvre pas. Les enfants trépignaient et les adultes, impatients, bougonnaient. Puis, invariablement, des papiers de bonbons virevoltaient dans l’air. Le folklore quoi ! Un jour, pour faire patienter ces fauves en mal de film, la direction du Variété envoya un clown, debout sur un tout petit vélo. Le résultat était presque prévisible, il prit l’une de ses roues dans le rideau qui tomba sur la scène, en charpie, brûlé par le temps. Fin de la tenture, début du spectacle ! Ma séance commence par « Soupçons » d’Alfred Hitchcock, de 1941, avec Cary Grant et Joan Fontaine, costume bien coupé, masculine à souhait, parano ou pas ? Le suspens tient doublement du fait que le scénario prévoyait une fin pessimiste mais que la RKO, producteur du film, souhaitait le contraire.

Le ciné-club s’éloigne lentement de ma conscience avec « La Rue sans joie » de Georg Wilhelm Pabst, de 1925, et la bouche offerte à l’amour de Greta Garbo. Il faut bien sûr avoir vu le pictural film de Lubitsch de 1923 « Rosita » avec Mary Pickford et Holbrook Blinn. Délicieuse apparition de Mary, chanteuse de rue, en mantille sur décor onirique. Beaucoup plus tard, en 1968, l’incontournable « Roméo et Juliette » de Zeffirelli n’aura pas échappé à ceux qui aiment les histoires d’amour qui finissent mal. Les histoires d’amour portent toutes en elles, même à l’état embryonnaire, les ingrédients de futurs conflits.

On dit que l’oiseau peut voler toujours plus haut, cette image prit tout son sens avec l’apparition du magnétoscope. Imaginez… pour un cinéphile, avoir la possibilité de se passer en boucle, de son fauteuil, les films qu’il a aimés ! Seule ombre au tableau au début, il n’y avait que peu de choix. Par la suite, et avec l’aide des distributeurs qui avaient palpé la manne, j’ai fini par avoir une vidéothèque de plus de 1000 films. À croire que chiner est une vocation. Le nec plus ultra, c’est l’arrêt sur image pour apprécier un costume, un décor, une expression sur un visage. D’un petit coup de boîtier, on revoit avec plaisir Kirk Douglas en Van Gogh ou la petite bouille de Catherine Demongeot dans le Zazie ! « Zazie dans le métro »… ses 4 CV, ses Dauphines et ses tractions avant ! Fontaines Wallace, que serions-nous sans vous, les soirs d’été ? À propos de douceur, c’est en cette saison que je revis « Sur les quais » d’Elia Kazan avec Marlo Brando, blouson de cuir, quartier des docks… un Terry Malloy taciturne, secret, qui élève des pigeons sur le toit de son immeuble.

Ma famille ayant une grande importance pour moi, je ne peux m’empêcher de penser que mon père aurait aimé le film Jean-Pierre Melville « Le silence de la mer » de 1947, avec Howard Vernon dans le rôle de l’Allemand, le fameux Von Ebrennac. Un film qui annonçait cette Europe que nous essayons de faire péniblement. Un Allemand qui exècre la guerre, une nièce bien française qui tombe amoureuse du beau militaire… on se croirait dans Offenbach !

Mon coup de cœur de ce soir ira à un film américain de 1941 qui se termine bien ! « Sergent York » avec Gary Cooper et Joan Leslie dans le rôle Gracie Williams. L’action se passe en 1916, dans le Tennessee, Gary Cooper alias Alvin C. York défendra sa patrie, deviendra un héros, et comme happy end, retrouvera Gracie et sa terre. Au cinéma, j’aime que ça se termine bien ! La semaine qui suit est plus belle, plus revigorante ! Il ne faut pas oublier que l’on dort comme on fait son lit…

À bientôt, s’il me reste de l’encre dans l’encrier de porcelaine blanche de mes voyages oniriques…
 

 
       
   
   
Entracte 1
   
             
      Silvana 89
     
 

 
Parfois, il me plaît à m’attarder sur un personnage du cinéma que j’ai beaucoup aimé. C’est le cas pour Silvana Mangano, née en 1930, décédée en 1989. Elle fut l’égérie des romans-photos chipés à ma grand-mère qui les gardait jalousement enfermés dans sa grande armoire Louis-Philippe. Ça, elle ne les aurait pas cédés pour un empire !

Mais revenons à Silvana : à la fin des années 40, le néoréalisme italien s’essouffle et se dissout et c’est l’apparition de la comédie italienne avec un brin d’érotisme ! Pas trop car l’église veille ainsi que la Mama !

Après la débâcle du fascisme, les comédiennes sont recrutées essentiellement pour leur physique. C’est alors que surgissent entre 1947 et 1949, des actrices telles que Gina Lollobrigida, Silvana Pampanini, Sophia Loren puis Silvana Mangano. Certaines, bien sûr, se cantonneront aux rôles de figurante. Par contre, celle qu’on ne peut oublier dans « Riz Amer » c’est bien évidemment Silvana ! Tourné en 1949, par Giuseppe de Santis, dans les rizières du Nord de l’Italie, il y flotte un tel air de conflit social et de parfum de communisme que le film eut droit à l’étiquette de « film contestataire » !

Le « costume » de Silvana Mangano dans les rizières - si l’on peut l’appeler ainsi - était d’une grande simplicité : short et corsage tendu à l’extrême. J’ai encore aujourd’hui un doute sur l’authenticité de sa tenue… mais elle séduisit ainsi toute l’Italie ! Les Italiens savaient déjà faire du fric à l’époque ! À montrer ses avantages en nature, elle finit même par épouser le producteur, Dino de Laurentiis, l’année même de la sortie de Riz Amer.

En 1981, la mort de son fils fait basculer sa vie. Elle quitte son mari, les États-Unis, et s’installe à Madrid. Deux fois encore, elle cédera à l’appel des studios.

Dans « Dune » en 1984, puis son dernier rôle sera celui de l’épouse de Marcello Mastroianni dans « Les yeux noirs », un film mis en scène par Nikita Mikhalkov, à Rome, en 1987.

Je ne l’oublierai jamais dans « Mort à Venise » de Visconti, superbe, dans sa robe rose agrémentée d’un long sautoir de perles, les yeux perdus dans le vague. Deux ans plus tard, elle rejoindra les étoiles déjà si nombreuses. Je ne sais pas si tous les chemins mènent à Rome, mais le mien passa, jadis, par Silvana Mangano !
 

 

 
       
   
   
3e séance
   
             
 


 
Il est 3 heures du matin, l’air embaume l’humus, un temps magnifique pour les vampires ! Le premier quartier de lune orangé pose son croissant sur un ciel constellé d’étoiles, seront-ils au rendez-vous ?

Le bal des victimes de « Nosfératu » film fantastique de Wilhelm Murnau aura lieu en 1922, avec Max Schreck dans le rôle du comte Orlock, alias Nosferatu, et dans celui d’Ellen, Greta Schroeder qui joue à la perfection la femme du jeune Hutter, agent immobilier dans les Carpates, en 1830. Curieux film qui mélange astucieusement le romantisme et la terreur. Pour l’anecdote, il faut se souvenir qu’il fut adapté illégalement du roman de Bran Stoker, poème de l’amour fou qui plut tant aux surréalistes. Le diurne et le nocturne s’affrontent dans un bal primaire.

Plus terre-à-terre… on ne craignait pas les vampires chez mes grands-parents ! L’ail était cultivé au jardin, quant aux crucifix, ma grand-mère en avait fait provision dès le début de la guerre de 14-18 ! La Lune insiste, je retourne à mes mauvaises fièvres !

De tout temps, le cinéma a absorbé le genre misérabiliste c’est pourquoi il faut voir le film de Peter Greenaway, de 1987, « Le ventre de l’architecte » personnage aux conceptions visionnaires, avec Brian Dennehy et Lambert Wilson, une visite insolite dans Rome. Mais le pire reste à venir avec « Répulsion » de Roman Polanski, de 1965. La distribution n’est pas sans intérêt : Catherine Deneuve, Ian Hendry et Yvonne Furneaux. Folie et obsession se côtoient durant tout le film.

Tout comme l’homme ne peut vivre que de pain, il convient de s’aménager quelques moments de répit. J’irai, pour cela, dans l’univers d’honneur de José Giovanni, avec le généreux film « Où est passé Tom ? » de 1971, qui ne fera malheureusement pas date, le film fera un flop. Dommage… car Rufus - Tom dans le film - est un pacifiste qui finit par prendre les armes pour abattre un tyran.

Dans un style aussi marginal, les jeunes déboussolés de « Ostia » de Sergio Citti, de 1970, avec Laurent Terzieff, sont influencés par l’ombre, au-dessus de leurs têtes, de Pasolini planant en co-scénariste. Mais il existe plus fort : « Los Olvidados » de Luis Bunuel, de 1950 : des enfants abandonnés dans les faubourgs de Mexico qui vivent de chapardages. Rien n’a vraiment changé… Tous les films où gravitent des enfants ne sont pas, heureusement, aussi tristes. J’en connais un qui me touche particulièrement : « Je reviendrai à Kandara » dont certaines scènes furent tournées dans la ville où je suis né. Un drame policier, de 1957, avec Daniel Gelin, François Périer, Bella Darvi.

J’entends le rideau de velours pourpre s’impatienter mais pour ce soir, j’ai encore une petite merveille en coulisse « L’intruse » de Bruno Gantillon, de 1985, avec Richard Bohringer, Bernard-Pierre Donnadieu et Laura Morante. Un film esthétique, sorti en salle sans publicité, qui ne resta qu’une semaine à l’affiche à Paris : à la fin de la guerre de 1870, la rivalité de deux frères qui cachent une étrangère poursuivie par des villageois féroces. Il faut savoir parfois se méfier de la campagne !

Pour terminer la soirée, ce sera mon coup de cœur pour le Québec : « Il était une fois des gens heureux » de 1981, avec Stéphane Audran, qui retrace la belle province entre 1938 et 1945. Entre américanophilie et francophonie militante, Dieu reconnaîtra peut-être les siens…

Je vous souhaite une bonne nuit.
 

 
       
   
   
4e séance
   
             
 


 
Ce soir, j’ai un peu froid. Vous savez, ces légers frissons qui vous courent le long de la colonne vertébrale sous l’influx de l’émotion. Je pense à ceux qui, aujourd’hui, traversent les Badlands, là où serait dissimulée la sépulture de Crazy Horse. J’ai beau aimer le cinéma, les anamorphoses des studios de la Paramout concernant les Indiens, ça ne passe pas ! Il reste tant de choses qui font réfléchir sur l’avenir de l’homme que l’on revient toujours à nos fantômes… comme ce village de Calico, dans le désert du Mojave en Californie, ancien camp désaffecté de mineurs. Je suis venu au cinéma par la porte des westerns très largement ouverte sur des paysages naturels comme les cheminées de grès de Monument Valley, en Arizona, magnifiées par John Ford. Je ne dirais pas la même chose des idées qui s’en dégagent mais comme disent les Anglo-Saxons : « Nobody is perfect ! » Je vais, malgré cela, pénétrer sur la pointe des pieds dans ces vallées, suivre le vent.

En creusant, on trouve quelques perles noires. « Alamo », de 1960, l’épopée du fameux Davy Crockett de mon enfance, de et avec John Wayne, et le patibulaire Richard Boone : en 1836, la province mexicaine du Texas entre en rébellion et le féroce général mexicain Santa Anna, attendant son heure, fera le siège du ridicule fort. Tout cela finira par l’extermination de Crockett et des 185 braves après un siège de 13 jours. Mais c’est l’envergure mythologique du film qui compte !
Moins connu, mais tout aussi regardable, « Arizona » de Wesley Ruggles, de 1941, avec William Holden, Warren William et George Chandler, un film qui se termine bien : la jeune fille courageuse qui monte son entreprise finira par épouser le garçon qu’elle aime.
Dans une version technicolor, on ne peut oublier « Au-delà du Missouri » de William Wellman, de 1951, avec Clark Gable et Ricardo Montalban. Le film se passe dans des décors grandioses, un chasseur de castors décide d’en découdre avec la vie !
Malgré Vivien Leigh en amoureuse obstinée, je ne m’attarderai pas sur « Autant en emporte le vent » de 1936, trop connu. Dans le style grands espaces qui décapent, surtout ne pas éviter « Bandolero » d’Andrew V. McLaglen, de 1968, avec James Stewart, Dean Martin mais surtout celle qui fit rêver tous les mecs, la plutôt gironde Raquel Welch ! Attaques de banques, poursuites, on ne s’ennuie pas un instant !

Ce soir, je vais me faire plaisir en parlant d’un personnage que je n’aime pas beaucoup : ce fou de Custer. Il n’avait oublié qu’un détail, les Indiens n’étaient pas plus bêtes que lui ! Si la bataille Little Big Horn lui fut fatale, ce sera pourtant elle qui lui permettra d’entrer dans la légende de l’Ouest. Le plus surprenant, et en cela il aurait pu être le modèle de l’expression comment retourner sa veste, cet individu dénonça, lorsqu’il était à West Point, la politique menée contre les Indiens !

Ne pouvant me coucher sur cette sensation négative, je vous offre cette petite merveille : « Le dernier train de Gun Hill » de John Sturges, de 1959, avec Kirk Douglas et Anthony Quinn. Une amitié qui devient une véritable tragédie puisque le fils de l’un a assassiné l’épouse de l’autre ! La justice doit passer en force.

D’autres westerns viendront, tous au pied du totem de mes souvenirs ! Je vous souhaite une bonne nuit. Je vais aller dormir à Monument Valley…

 



 
       
   
   
Entracte 2
   
             
      Magnani 73
     
 

 
Parmi les actrices italiennes qui ont bercé mon adolescence, il y en a une qui tient une place à part, peut-être à cause du tragique, de l’austérité de son visage, du sérieux de ses rôles, comme par exemple dans le film de Luchino Visconti de 1951 « Bellissima ». Femme indomptable, elle incarne parfaitement les mélodrames jusqu’à se substituer au genre. Elle est la brune à la chevelure étonnamment lisse, presque non apprêtée. Elle pourrait sortir de chez elle, personne ne saurait qu’elle va tourner et pourtant, quel talent !

Née en 1908 en Egypte, à Alexandrie, puis élevée à Rome dès l’âge de cinq ans, Anna Magnani est formée à l’école du théâtre et du spectacle de variété. De toutes les actrices du cinéma italien, elle est la seule dont on peut dire sans se tromper : « Celle là vient du théâtre ! » Elle en a la gestuelle, la présence et le jeu scénique. Elle incarne la précision du geste, le mot juste, l’intonation grave qui impose le respect. Il y a les acteurs que l’on admire et ceux qui, à cause de leur maladresse, installent en nous le rire - je pense à la série « Angélique, marquise des anges » ! Je ne méprise aucun genre mais il me plaît de côtoyer le grand art, le seul véritablement enrichissant, celui qui laisse des souvenirs imperturbables dans le vaste domaine de notre mémoire.

À l’âge de 18 ans, Anna Magnani fait son apparition au théâtre. Dès 1934, elle apparaît au cinéma dans « La Cieca di Sorrento », en 1936 dans « Cavalleria », en 1941 dans « La Fuggitiva ». Celui qui fera prendre son envol au papillon de nuit sera Vittorio de Sica dans « Teresa Venerdi » en 1941. La gloire lui viendra d’un seul film « Rome ville ouverte » de Rossellini en 1945. Servie par des metteurs en scène prestigieux, son exubérance et la précision de ses rôles lui donneront la stature d’une actrice de carrière internationale et le style néo-réalisme, porteur pour elle, lui permettra d’aller crescendo.

« Rome ville ouverte » est l’un des piliers du cinéma italien, sans doute parce qu’il est imprégné de politique et surtout de résistance, et je pense ici à ceux qui tombèrent pour des idées sous les balles nazies dans le Val de Suze (Italie du Nord). Femme du peuple, échevelée, bouleversante dans son attachement à la résistance, pas étonnant qu’elle fût l’égérie de toute une jeunesse italienne attachée à de nouvelles idées qui finiront par s’imposer en Italie. La génération de mes grands-parents ne s’en laissait pas conter, elle qui avait connu les horreurs de la guerre d’Abyssinie ! Dans « Rome ville ouverte », elle mourra en essayant d’arracher aux nazis l’homme qu’elle aime. Fascinante femme d’amour et d’honneur. Etonnante travailleuse, elle enchaînera film après film comme quelqu’un que je connais bien qui a toujours peur de ne pas avoir le temps de tout faire !

En 1946, ce sera « Un homme revient » de Max Neufeld, « Devant lui tremblait tout Rome » de Carmine Gallone et « Au diable la richesse » de Gennano Righelli. Elle sera « Assunta Spina » dans le film de Mario Mattoldi.

En 1948, elle tournera dans « Molti Sogni per le strade » de Mario Camerini puis Rossellini reviendra dans sa vie avec deux épisodes de « Amore » ; pour la petite histoire, ils ne pourront éviter une liaison orageuse ! Il est vrai que la plénitude de son art, là où elle donne toute sa force, c’est essentiellement dans les drames et mélodrames. En 1949, elle sera Maddalena Natoli dans « Vulcano » de William Dieterle.

Son second mentor sera Lucino Visconti notamment avec « Bellisima » en 1951 et un épisode de « Nous, les femmes » où elle joue son propre rôle, en 1953.L’apothéose viendra de Renoir dans le rôle magique du « Carrosse d’or » de 1953.

Chacun ses goûts… je ne peux pas dire que sa période américaine soit celle que je préfère, il manque le lyrisme italien mais on ne peut la contourner, elle donne l’autre facette du talent d’Anna Magnani. Hollywood qui n’épargne personne lui demandera de donner la réplique à Burt Lancaster dans « La rose tatouée » en 1954. Ce sera malgré tout un oscar à la clef en 1955 qui lui permettra la reconquête de l’Italie qui commence à se lasser de son actrice incontrôlable, et on la reverra en 1957 dans un film de Mario Camerini « Suor Letizia ». Bref retour, il faut bien le dire car ensuite, elle ne fera que des allers et retours entre l’Italie et les États-Unis. Toujours en 1957, George Cukor (pas le pire des metteurs en scène !) lui donnera le rôle de Gioia dans « Wild is the wind » puis Sydney Lumet en 1959, celui de Lady Torrance dans « L’Homme à la peau de serpent ».

En 1965, elle reviendra au théâtre avec « Mère courage » de Brecht montée à Broadway. Ensuite se succèderont « La Lupe » de Giovanni Verga qu’elle jouera dans plusieurs capitales européennes et « La Voyante » d’André Roussin. Bien que je n’apprécie pas les frasques de Pasolini, il lui donnera son dernier grand rôle en 1962 dans « Mamma Roma ».

Si l’on voulait résumer Anna Magnani, on pourrait dire d’elle qu’elle ne sombra jamais dans la facilité ! Elle fut la rebelle, la batailleuse, l’obstinée, la femme fière et généreuse du cinéma italien. C’est en cela, qu’elle est unique ! Elle est le personnage incontournable du cinéma italien expressionniste. Tout le monde se souvient de son visage anguleux, de son nez busqué, de ses yeux clairs que rehaussaient des ombres tragiques. Elle défia les canons traditionnels de la beauté. Elle est l’exemple d’une vie passionnée et orageuse que Fellini immortalisa en 1971 dans « Roma ». Les anges montent au ciel, les démons rejoignent les enfers, la seule qui voyagea en carrosse d’or, fut Anna Magnani !

 

 
       
   
     
suite…
 
 



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