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5e séance
   
     
     
 

 
Un journaliste a écrit : « Qui n’a pas rêvé de la Californie ? » Moi… répondrai-je.

L’Amérique qui dépasse ses limites c’est aussi celle qui oublie les autres, qui se crée un monde à part bien protégé de la misère, la rendant transparente ! C’est peut-être pour cela qu’il ne nous reste que des vestiges de l’Ouest. Mais nous avons appris à faire avec. Je ne rêve pas de leurs entrepôts de King’s Saddlery à Sheridan dans le Wyoming, je ne rêve pas de m’acheter la panoplie du parfait cow-boy pour fin de semaine à la campagne… Les maisons de style Victorien, les « Painted Ladies », ne me font pas remonter à l’époque de la ruée vers l’or !

Je préfère de beaucoup regarder « Sept hommes à abattre » de Bud Boetticher, de 1957, avec Randolph Scott, Lee Marvin et Stuart Whitman. Un shérif qui part à la recherche de sept bandits… ça me va très bien !
J’ai même un faible pour « Les rôdeurs de la plaine » de Don Siegel, de 1960, avec la naïveté, en bonus, en la personne d’Elvis Presley ! Fils d’un fermier et d’une Indienne, Dolorès del Rio, il se trouve au centre du conflit qui oppose les blancs aux Indiens Kiowa. Bigre… un western sur la fraternité ! Il ne risquait pas d’être au box-office.
Pas plus que « La Furie du Texas » de Edwin L. Marin, de 1951, (titre original : Fort Worth), avec Helena Carter et Randolph Scott qui, heureusement, est là pour remettre de l’ordre à Fort Worth. Malheur à celui qui revient, il retrouvera une ville terrorisée.
L’un des plus beaux westerns qu’il me fut donné de voir est incontestablement « Fureur Apache » de Robert Aldrich avec Burt Lancaster et Joaquim Martinez (titre original : Ulzana's raid). Ici, l’Apache qui ose sortir de sa réserve fournira à l’homme blanc qui l’a si souvent caricaturé, toutes les excuses.
Piper Laurie, une actrice que j’ai toujours beaucoup aimé et que l’on retrouvera plus tard dans « Les Enfants du Silence » était au générique de « Le Fleuve de la Dernière chance » de Jerry Hopper, de 1955, avec également Dana Andrews et Rex Reason. Le nec plus ultra des westerns… ce que l’on aurait aimé voir plus souvent ! Un ancien officier réussit à rétablir la paix entre blancs et apaches !
Pour ceux qui aiment le genre pastiche avec femme-bandit, ne pas oublier « Le Fils du visage pâle », une comédie de Frank Tashlin avec Bob Hope, Jane Russel et Roy Rogers.

D’un coin bien caché à l’abri des regards, j’exhume « Femme et Démon » de George Marshall, de 1939, d’après le roman de Max Brand avec Marlène Dietrich, James Stewart, Charles Winninger. Une histoire de gang et de saloon où règne la maîtresse du chef de la bande. Pour la petite histoire, Marshall signera même son propre remake en 1954 intitulée cette fois « Le Nettoyeur » mais il y manquera le charme des acteurs de la précédente version.

Mon coup de cœur de ce soir ira à « Les Dynamiteros » de Burt Kennedy, de 1971, avec Richard Crenna, John Huston et Chuck Connors (titre original : La spina dorsale del diavolo). Un camp d’entraînement de commandos qui nous ferait presque songer aux futures guerres modernes, dirigé par Caleb, un déserteur, seul capable d’affronter un chef Apache.
Mais comme je ne suis pas avare de mon temps, et pour passer une bonne nuit, retrouvons « Du sang dans le désert » d’Anthony Mann, de 1957 (titre original : The tin star). Qui pourrait se vanter d’avoir oublié Henri Fonda ? Toujours tiré à quatre épingles, que ce soit dans « L’Homme aux colts d’or » ou dans « Il était une fois dans l’Ouest » où il n’hésite pas à casser son image en tenant le rôle du méchant.

Et sur une musique d’Ennio Moricone… je vous dis « Bonsoir ! »
 

 
       
   
   
6e séance
   
             
 

 

 
Dans mon voyage à travers les films que j’ai aimés, il y a ceux qui laissent une sensation particulière, parfois un malaise. On peut y penser plusieurs jours. Ils délogent probablement des éléments consignés dans la mémoire universelle… tout comme l’inspiration en peinture en est certainement l’évanescence. Il en est de même pour l’écriture ; pourquoi ressent-on en pleine nuit le besoin de se mettre à sa table de travail ? Nous sommes des pantins manipulés et la bonne question serait de se demander : « Par qui ? »

Ce soir, le ciel est plus clair que d’habitude. Sous la lumière diaphane d’un réverbère, je viens avec mes films !

« À bout portant » de Don Siegel, de 1964, avec Lee Marvin et Angie Dickinson, un polar noir d’une telle efficacité, d’une telle violence qu’il ne fut pas distribué en salle à sa sortie. C’est le remake en couleur du film de Robert Siodmak « Les Tueurs » de 1946, avec Ava Gardner et Burt Lancaster. Ce fut aussi, pour la petite histoire, la dernière apparition de Ronald Reagan au cinéma. Il préféra ensuite la politique !
Pour continuer sur cette lancée, un personnage que j’aime beaucoup, c’est « Abraham Lincoln ». Le film que fit David Wark Griffith sur ce personnage en 1930 est inoubliable : le destin tragique de celui qui sera assassiné en 1865, avec Walter Huston dans le rôle titre, Una Merkel et Kay Hammond. Je déteste la violence, elle fait peur à tout être normalement constitué ! Elle pulvérise ce qu’il y a de bien chez l’homme.
On sera servi avec la guerre des gangs de 1929 racontée par Roger Corman en 1967 dans « L’affaire Al Capone » avec Jason Robards. Il serait de mauvais goût de s’écrier : Bonne Saint-Valentin ! Lorsque l’on regarde l’Amérique d’aujourd’hui, on n’a même plus l’impression qu’il s’agit du même continent.
En France, les fameux crimes de Lurs alimentèrent l’actualité des années cinquante. Claude Bernard-Aubert donna une version cinématographique de « L’affaire Dominici » en 1973 avec Jean Gabin, alias Gaston Dominici, un rôle aussi fort que dans « La Horse ». Ce qui hier était impressionnant l’est toujours aujourd’hui : nous ne saurons jamais la vérité. Elle est dans un coin de l’univers, bien à l’abri de la justice qui ne sut jamais trouver de preuves, encore moins de mobile. Victor Lanoux, Daniel Ivernel et Gérard Depardieu étaient également au générique.

Faisons une pause et rêvons sur « L’Aigle à deux Têtes » de 1948. L’impossible amour d’une reine solitaire et d’un jeune anarchiste sosie du roi défunt. On ne ressort jamais indemne d’un film de Cocteau ! Il vous creuse jusqu’au cœur, pour ceux qui en possèdent un… Il est parfois notre part d’ombre. Dans le rôle principal, son acteur fétiche Jean Marais, sans oublier Edwige Feuillère et Silvia Monfort.

Dans un tout autre registre, « À la recherche de M. Goodbar » de Richard Brooks, de 1977, me fit une grosse impression. Les deux faces d’une femme, Thérésa, catholique parfaite le jour et, vamp la nuit, qui erre en besogneuse dans les bars, à la recherche des hommes, comme le ferait la mante religieuse ! Sexualité détraquée jusqu’à l’horreur d’un assassinat sordide. Cauchemars garantis avec Richard Gere, Alan Feistein et Diane Keaton, l’une des égéries de Woody Allen.

Passons à un film étrange d’une grande beauté esthétique où le drame est omniprésent : « Alexandre Nevski », film historique de Sergueï M. Eisenstein avec Nicolai Tcherkassov et Dimitri Orlov. Ce film de 1938, prémonitoire, semble dire : Malheur à qui voudra entrer en Russie par la force, il périra par le glaive! La scène de la gigantesque bataille qui dure 40 minutes est mémorable ! L’utilisation des ombres et des lumières très contrastées en fait un chef d’œuvre du noir et blanc. Ceux qui, comme moi, ont un faible pour les chevaliers teutoniques assistent ici à une véritable fresque romantique où les Teutons seront engloutis dans le lac Peïpous gelé !

Il ne faut pas rester sur un gros frisson ! Ceux de ma génération qui ont adoré Brel ne peuvent oublier le grand Jacques dans « La bande à Bonnot » le film de Philippe Foursastié de 1968 avec également Bruno Cremer et Annie Girardot. À 18 ans, on est anarchiste par vocation et Clemenceau disait : « Je me méfie des jeunes qui n’ont pas été révolutionnaires à 20 ans ! » La bande à Bonnot qui cherchait à déstabiliser la société capitaliste finira par être démantelée. En mai 1968, le ton aura changé. Je ne garde pour le plaisir que ce petit mot doux tiré de Marcus : « Le pouvoir est à l’imagination ! » Au rêve aussi… grand Dieu ! Les chevaliers Teutoniques continueront d’alimenter mes rêves en noir et blanc mais je souhaite que les vôtres soient en couleurs, bien sûr !
 

 
       
   
   
Entracte 3
   
             
      Marlène 92      
 

 
Comment ne pas parler de celle qui me fit tant rêver autrefois, Maria Magdalena Dietrich - qui vit le jour à Berlin, le 27 décembre 1901 - une exception, avec quelques autres stars, pour sa longévité cinématographique. Malgré sa grande rivale : Greta Garbo, elle fit une longue carrière à Hollywood, et ce n’était pas chose facile. Les studios avaient des exigences, malheur à ceux qui, à cette époque, ne se prêtaient pas à leurs caprices : fiançailles, mariages, mœurs à ne pas ébruiter, tout était arrangé ! Et pourtant, ce fut bien souvent elle qui les fit plier…

Grande séductrice - Gabin en fit les frais -, femme lucide, mœurs équivoques, Marlène est avant tout un mythe. Moins estimable, sans doute, sa tendance femme dominatrice. Ce côté fonceur viendrait-il de sa filiation avec un officier de cavalerie ou de son enfance à Weimar, dans un milieu protégé mais marqué par la discipline ? Sans une maladie du poignet, elle n’aurait peut-être été que violoniste. Curieuse destinée que celui de cette femme prise dans le Berlin en crise des années 20, années de Bohème d’une jeunesse sans repères, jouant du violon dans les cinémas !

C’est dans « Le petit Napoléon » de Georg Jacoby, que son nom apparaîtra pour la première fois, en 1923. Premier mariage aussi avec Rudolf Sieber. Ses attitudes provocantes, souvent ambiguës, la feront remarquer. Je pense, par exemple, à « Es Liegt in der Luft », un spectacle musical avec la très masculine Margo Lion.

Les films « Cafe Elektric » en 1927 et « Prizessin Olala » en 1928 feront d’elle une vedette à part entière. Le tournant décisif de sa carrière viendra de sa rencontre avec Josef von Sternberg. Avec lui, elle deviendra la célèbre Lola-Lola, du roman de Heinrich Mann, dans « L’Ange Bleu » en 1930. L’absence d’innocence et la sensualité du rôle la définisse tant dans ce film-culte que dans la vie. Viennent ensuite « Cœurs brûlés » en 1930 et « Blonde Vénus » en 1932. Suivront, toujours sous sa direction, les superbes : « Shanghai-Express » en 1932 et « L’Impératrice rouge » en 1934. Dans « La femme et le Pantin » en 1935, elle ne détruira pas moins de deux amants !
En sept ans, Sternberg accomplira un vrai miracle. Elle passera du statut de pulpeuse et blonde allemande, un peu vulgaire, à celui de star glamour s’exhibant dans les tenues les plus inattendues ! Plumes, peau de gorille, mais surtout, smokings d’homme ! Leur union, amour et perversité, ne durera que cinq ans...

D’autres grands réalisateurs feront pour elle des films sur mesure : Frank Borzage avec « Désir » en 1936, Lubitsh avec « Ange » en 1937, Billy Wilder avec « La scandaleuse de Berlin » en 1948. Même Alfred Hitchcock succombera avec « Le grand Alibi » en 1950. Orson Welles rendra hommage à Streinberg en lui confiant un rôle bref dans « La Soif du mal » en 1958. Intraitable en matière d’éclairage, elle exigera pendant toute sa carrière les meilleurs professionnels.

Je ne parlerai pas des films qui suivront. Marlène y perd de son originalité, devient plus terrestre. Son dernier rôle d’importance sera dans « Le Jugement de Nuremberg » de Stanley Kramer, en 1961.

J’aime cette femme de conviction qui, dès 1937, refusera de retourner en Allemagne, malgré le pont d’or que lui faisait Goebbels, et prendra la nationalité américaine. Chapeau Madame Dietrich, même si vous n’aviez pas besoin, pour asseoir vos idées, de vos tournées de propagande parmi les G.I. entre 1943 et 1945 ! Le pardon des Allemands viendra assez tard, vers 1960.

En 1953, elle avait repris sa carrière de chanteuse ; elle fera une tournée en Europe et, pour la première fois depuis la guerre, retournera à Berlin mais ce n’est qu’en 2002 qu’elle sera nommée citoyenne d’honneur de cette ville. Notre plaisir, à nous français, sera de l’avoir gardé jusqu’à la fin de sa vie à Paris, rue Montaigne, où elle s’éteindra en 1992. Il est stupéfiant de constater qu’elle était passé du personnage qu’elle s’était construit, son propre Pygmalion, à une vie de recluse.

Je vous salue, Lola-Lola… enfin, je veux dire Marlène… Vous avez été notre Ange Bleu !
 

 
       
   
   
7e séance
   
             
 


 
Pour moi, le cinéma de toujours c’est sur grand écran, le cinéma en salle. Bien sûr, je suis un nostalgique du Rex à Paris, de l’ancienne époque, avec une seule salle… mais quelle salle ! Très prisée des étrangers. L’été, les Américains y débarquaient chapeau texan enfoncé sur la tête et pour les fêtes de fin d’année, on voyait plutôt les nordiques. Le spectacle sur scène était unique en Europe : la féerie des eaux ! Mais il y a aussi le drive in… et dans ces circonstances, le « Napoléon » d’Abel Gance, dans sa version originale, sept heures de projection quand même, ferait bien l’affaire. La défaut de la cassette, c’est le manque de précision et la taille de l’écran alors on finit par se passer de certains détails… au profit de la multiplication des passages ! Mais le cinéma de papa restera toujours mon cinoche à moi !

Aujourd’hui, le registre sera à la politique.
Tout d’abord, avec « A lion in the streets » de 1953, de Raoul Walsh, avec James Cagney, Barbara Hale et Jeanne Cagney, un simple homme de la rue qui deviendra un homme politique ; comme aujourd’hui, sa candeur et sa pureté s’effaceront au profit de son ascension vers le poste de gouverneur.
On peut aussi revisiter « À cause d’un assassinat » d’Alan Pakula, de 1974, avec Warren Beatty et Paula Prentiss : un journaliste qui cherche à démonter un complot, ça nous fait penser à l’affaire John F. Kennedy ou aux « 3 jours du condor ».
Comme l’eau de la rivière va à la mer, l’histoire se répète. On peut s’attarder sur « Adalen 31 », de 1969, du Suédois Bo Widerberg, avec Peter Schildt et Kerstin Tibelius : 1931, grèves des dockers dans ce port suédois qui se terminera par le massacre des ouvriers ! Pas d’hier les fronts de type populaire !
Dans le genre tous les remakes passent par le cinéma, je vous propose « L’adieu aux armes » de 1957, de Charles Vidor, avec Rock Hudson, Jennifer Jones et Vittorio de Sica. Personnellement, je préfère celui de 1932 sous le titre français « L’adieu au drapeau » de Frank Borzage, avec Gary Cooper, Helen Hayes et Mary Philips : un jeune soldat qui découvre le bonheur avec une infirmière pendant la guerre. Ce n’est pas d’hier que l’on tombe amoureux de sa soignante !
Comme j’aime bien passer du tiède au chaud, voici un très beau film de 1986, « L’affaire Chelsea Deardon » d’Ivan Reitman, avec Robert Redford, Darryl Hannah et Debra Winger. Lorsque l’on est la fille d’un peintre renommé des années 60, faut pas piquer les toiles de son père !
Pour ce soir, mon coup de cœur ira à « Les Ailes du Désir » de 1987, de Wim Wenders avec Bruno Ganz, Peter Falk et Solveig Dommartin. On ne peut faire confiance aux anges… sauf à ceux qui sont nos gardiens ! Dans le cadre de l’austère ville de Berlin, un ange tombe amoureux et devient mortel, quelle horreur ! Nous perdons tous un jour nos illusions sur ce monde, les anges…ce sont leurs ailes. Décidément, personne n’est à l’abri des coups du destin.

Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit. Oh… j’oubliais… mes ailes, je les ai toujours… mais j’hésite à m’en servir. Peut-on faire totalement confiance à Wenders ?
 

 
       
   
   
8e séance
   
             
 

 
Les Enfants du Silence - 1986

Si je devais partir sur une île déserte, j’emporterais ce qui est, à mon sens, le seul chef d’œuvre du cinéma mondial : « Les Enfants du silence » de Randa Haines (Children of a lesser god). Tout y est parfait, de la mère qui essaie de comprendre sa fille et se juge en échec, interprétée par Piper Laurie, au personnage de Sarah, par Marlee Matlin, extraordinaire de rébellion dans un premier temps, puis d’amour véritable, sans fioritures ; un amour qui va à l’essence même de l’être. Elle sera d’une exigence intraitable car elle sait qu’elle a trouvé celui qui sera capable de la comprendre. À ce propos, William Hurt en James Leeds, professeur attentif qui tente d’expliquer Bach à Sarah, comme un oiseau qui voudrait ne plus souffrir de l’absence de ses ailes, est magique. Je puis vous l’assurer, bien calé dans votre fauteuil, vous gagnez les octaves supérieures de ce moment d’état de grâce ! J’aimerais avoir dans mon tombeau les meilleurs moments de ma vie et… ce film de Randa Haines ! Les archéologues tombant là-dessus, ne pourraient que dire : « Ça… c’était de l’amour ! » Ce qui est de plus en plus rare au cinéma, la musique de Michael Convertino est une merveille d’adaptation. Ce petit bijou de film est adapté de la pièce de Mark Medoff.

Au début du film, Sarah s’obstine à rester dans son monde du silence. Elle repousse James Leeds qui s’acharne à vouloir la comprendre malgré les tours qu’elle lui mijote. Même là, les scènes sont attendrissantes ! On dirait la parade nuptiale de certains oiseaux tropicaux qui exhibent leurs plus belles couleurs… La plus belle scène d’amour se passe dans la piscine de l’institution où ils vivent. L’eau leur sert de vêtement, l’onirisme vient de l’élément liquide qui les enveloppe, rend pudique l’union des corps. Il est dit que les forces du yin et du yang sont interdépendantes… peut-être… sûrement !

William Hurt/James Leeds commet tout d’abord le péché d’orgueil en voulant atteindre Sarah dans la partie obscure d’elle-même et, pour une fois, ce défaut devient qualité ! J’aurais été vraiment déçu que le film se termine mal, j’avais d’ailleurs au fond de moi, comme un ado, un happy end en réserve mais Piper Laurie m’épargna cela en faisant subtilement admettre à Sarah qu’elle ne pouvait se passer de James Leeds !

À noter que Marlee Matlin obtint l’oscar de la meilleure actrice en 1987.

Le monde des handicapés ne me touche pas par hasard. Pendant de nombreuses années, je leur ai consacré beaucoup de moments de ma vie. Les voyages intérieurs avec eux, je connais ! J’ai vu 16 fois « Les Enfants du silence » en salle… et j’ai la cassette ! Toujours avec la larme à l’œil, et toujours un moment hors du temps ! Quand on aime, on ne compte pas !

Je remets ce film dans son écrin, un monde sans bruit où les mains sont les pinceaux du peintre, la glaise… le sang du sculpteur. Je vous souhaite le meilleur : vous sentir souvent prisonnier de vos passions !
 



 
 

   


 
   
   
Entracte 4
   
             
      Louis Jouvet – 1887-1951
     
 

 
Pour ceux qui aiment le cinéma français, ne pas s’attarder sur Louis Jouvet, personnage incontournable à l’aise dans tous les rôles, serait un crime ! À notre époque et dans un registre différent, je ne vois que Gérard Depardieu capable d’interpréter des rôles aussi disparates que « Green card », « Mon père, ce héros » ou « Le Colonel Chabert ». Mais ma préférence va à Jouvet ! Pour le prix d’un, on en a plusieurs : homme de théâtre, de cinéma mais aussi metteur en scène et animateur de compagnie, il fut l’un des plus imposants personnages du 7e art du XXe siècle.

C’est sa diction unique dans le cinéma français qui le singularisa des autres comédiens. Il en inspira beaucoup. « Le théâtre, disait-il, ça ne s’apprend pas, ça ne s’explique pas non plus, ça se vit ! » Paroles prophétiques dans un monde où les effets spéciaux ont remplacé l’intelligence et la culture. On aurait pu graver cela sur sa tombe ! Jouvet veilla sur ceux qu’il aimait et estimait à la manière d’un mécène et sans lui, de nombreux artistes seraient restés dans l’ombre. Aujourd’hui, les grands mécènes ont disparu. Eddy Barclays fut sans doute le dernier. Appréciez la nuance : chez lui, œuvraient des directeurs artistiques… maintenant, ce sont des chefs de produit !

Pour notre plus grand plaisir, Jouvet vivra très tôt sa passion. Diplômé de pharmacie – tous les chemins mènent à Rome – il quittera sa Bretagne natale pour Paris, en 1907, pour interpréter dans une société d’amateurs, le « Groupe d’Action d’Art », quelques textes sans véritable importance. Sa rencontre avec Jacques Copeau qui l’engagera comme régisseur et comédien au théâtre du vieux Colombier, en 1913, sera déterminante pour sa carrière. Dix ans plus tard, Jouvet signera déjà sa première mise en scène, « Knock » de Jules Romains, à la Comédie des Champs-Elysées ; il n’a que trente-six ans. La célèbre tirade : « Est-ce que ça vous gratouille ou est-ce que ça vous chatouille ? » le suivra pendant vingt-sept ans ! L’éclairage de l’homme est à sa pleine puissance lorsqu’en 1927, il rencontre Giraudoux. Il montera « Siegfried » en 1928. L’univers du poète lui colle à la peau. Comme une mèche très tôt allumée, suivront « Tessa », « Electre », « La guerre de Troie n’aura pas lieu », « Amphitryon 38 », « Ondine », « Intermezzo », « Sodome et Gomorrhe », « L’Apollon de Bellac » et « La Folle de Chaillot ». Époustouflant ! Que des chefs d’œuvres ! Là, il faut reprendre son souffle. Les mises en scène, les interprétations de Jouvet et de sa compagnie, (constituée en 1924) deviendront des chefs d’œuvre du théâtre français. Mais ce n’est pas fini. Sur la scène de l’Athénée, Jouvet rajoutera un grand nom : Marcel Achard. Et ça recommence avec « Jean de la lune », « Domino ». Moins connu du public, « Léopold le bien-aimé » de Jean Sarment. Puis ce sera Corneille avec « L’illusion comique », Molière avec « L’école des femmes » (une perle !), « Tartuffe » et « Don Juan ». Même Jean Genet y passera avec « Les bonnes » et un autre – non des moindres – Jean Paul Sartre qui lui proposera la mise en scène de sa pièce « Le Diable et le bon Dieu ».

Auteur et metteur en scène prolifique, cela ne l’empêchera pas d’assurer ses cours au conservatoire dès 1934. À deux reprises, il refusera le poste d’administrateur de la Comédie Française. On peut penser qu’il craignait de ne pas avoir les mains libres. Nous tenons de lui sa vision du théâtre, elle est fort simple : « Mettre en scène, c’est servir l’auteur, l’assister par une totale dévotion qui fait aimer son œuvre sans réserve ! » Que c’est beau et bien dit ! Il faut préciser que l’attitude de Jouvet face à l’œuvre jouée fera de lui l’un des grands maîtres de son temps. Beaucoup de courants se réclameront de lui. Même l’Actor’s Studio, en son fondateur Lee Strasberg, verra en lui le génie français. Jouvet sera également conférencier, essayiste « Le Comédien désincarné » dont le sous-titre est : Documents cliniques d'un esprit anxieux chez un homme pour qui l'amour du théâtre est inséparable d'un sentiment de fraternité. Que dire de plus ? Louis Jouvet ne viendra que tardivement au cinéma. Sa vraie carrière cinématographique débute en 1932 par un chef d’œuvre, « Topaze », de Louis Gasner d’après Marcel Pagnol. À noter qu’il figurait, en 1913, au générique du court métrage muet d’Henri Desfontaines, « Shylock ». On ne saura jamais pourquoi il entretiendra, comme il le disait, des rapports équivoques avec le cinéma allant jusqu’au malaise. Et il passera vingt-neuf ans dans ces rapports-là ! Belle performance… Par cette phrase plus que claire « Le cinéma est seulement un mode d’expression dramatique ou l’acteur peut utiliser ses talents mais non pas les découvrir ou les nourrir », on sait qu’il opposait le théâtre au cinéma. Il fut le penseur du cinéma français, celui qui y aura réfléchi le plus.

Deux films seulement auront son agrément sur les quarante dans lesquels il eut un rôle : « Topaze » et « Knock ». D’autres pourtant ne furent pas négligeables. Que ce soit « Du haut en bas » en 1933, « La kermesse héroïque » de Jacques Feder, en 1935, puis son rôle le plus poignant dans « Les Bas-Fonds » de Jean Renoir en 1936 où il campe un baron inoubliable. Ensuite « Mademoiselle Docteur » en 1937, « Le Drame de Shanghai » en 1938, « L’alibi » en 1937 de Pierre Chenal, « La Maison du Maltais » en 1939 ! Un autre grand interviendra dans sa vie, Julien Duvivier, avec « Un carnet de bal » en 1937, « La Fin du jour » et « La charrette fantôme » en 1939. Mon préféré reste « Drôle de drame » de Marcel Carné, de 1937. Sa popularité atteindra son apogée avec le tandem qu’il forma avec Arletty dans « Hôtel du Nord » en 1938, du même réalisateur. Par la suite, les gens iront voir les films avec Jouvet, uniquement pour Jouvet, pour son jeu, sa voix…

En juin 40, l'armistice est signé et on lui suggère de monter Heinrich von Kleist plutôt que Giraudoux et Romains. Fidèle en tout, il partira en mai 1941 pour une tournée de six mois en Amérique du Sud qu’il prolongera quatre ans, jusqu’au 12 février 1945, date de son débarquement à Marseille. À son retour, il retrouvera les studios avec « Un revenant » en 1946 de Christian Jacque – à voir et à revoir ! – puis une seconde version de « Knock » en 1951 dont il supervisera la réalisation.

Il est curieux de constater que les films qui laisseront une trace dans la mémoire du public seront ses derniers films : « Quai des orfèvres » de 1947, de H.G.Clouzot, et « Lady Paname » de 1949. Les plus beaux dialogues dits par Jouvet auront été ceux d’Henri Jeanson. Pour un acteur qui débuta au cinéma à l’âge de quarante-six ans, compliments… Monsieur Louis Jouvet !
 





 

 
       
   
     
suite…
 
 



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